Mar 2 Déc - 14:24
Elle lui avait promis qu'elle rentrerait bientôt, qu'il la serrerait dans ses bras et qu'ils passeraient quelques jours ensemble voir plus. Or, elle tenait rarement ses promesses, trop rarement presque, il le ne le savait que trop bien. Ainsi l'adulescente ne comptait pas partir, une sensation étrange la retenait ici, quelque chose lui disait qu'elle ne reverrait pas son frère avant un bout de temps. Ses cheveux bruns dans le vent, vêtue d'une tenue bien trop légère pour les cinq degrés ambiants, provoquant joyeusement les coincés du cul qui la dévisageait. Elle marchait d'un pas à la fois déterminé et hasardeux, avec ce royal jem'enfoutisme qui la caractérisait, elle savait ce qu'elle cherchait en se laissant toujours le bénéfice du doute. Avril vivait dans une chambre ou s'entassait les quelques affaires qu'elle emportait quotidiennement durant le grand voyage que constituait sa vie, elle ignorait totalement comment elle allait subsister ou même ce qu'elle allait manger ce soir. Pour l'heure, elle riait de tout, crachant allègrement sa fumée au visage des passants. Dans toutes les terres qu’elle avait traversées, la jeune artiste s’était toujours plus à contempler ce qui l’entourait pour voir ainsi la déchéance humaine s’illustrer.
Dans certaines villes elle sautait aux yeux, elle était obsédante et terrible, comme en Inde bien que cette contrée s’illustre par d’autres choses, mais ce n’était pas dans ce genre d’endroit que cette recherche était intéressante. Stockholm était une belle ville, faite pour plaire et pour attirer, trouver cette déchéance, cette ruine, ce symbole de la laideur humaine demandait une observation minutieuse de l’environnement, bien que cela ne soit pas si difficile. Tranquillement, Avril s’enfonçait dans les bas fonds de la ville, toujours et toujours plus loin. C’était typiquement le genre d’endroit où des minettes d’une vingtaine d’années se faisaient violer voire tuer, c’était par conséquent typiquement le genre de lieu que notre monstre de logique fréquentait en sautillant.
Enfin, elle poussa une lourde porte, traversa un rideau noir, sa cigarette toujours à la bouche, elle affronta encore une fois leur regard, des regards bien différents, étonnés, stupéfaits, lubriques. L’atmosphère était lourde, saturée de lumière. D’un pas toujours aussi léger, Avril se posa sur une chaise, laissant son regard vagabonder sur le spectacle que lui offrait l’endroit. Elle se moquait de tout, de la société, mais aussi d’elle-même, de ses propres principes. Ainsi, c’était sans aucune culpabilité que son regard voguait sur ce que lui proposait l’endroit. Elle commanda une bière, pour commencer, jaugeant ce qui lui faisait face avec un sourire goguenard, avec une sorte de sensation étrange, mélange de désir et de sérénité.
Son regard croisa celui d’un homme d’une cinquantaine d’années, transpirant dans son costume de travail, grassouillet et aux cheveux gras. Elle imagina sa vie merdique avec une femme hystérique qui ne voulait plus de lui, deux enfants hurlants qui devaient le détester et un emploi sans doute aussi ennuyeux que mal financé. Elle changea son regard de direction, celui-ci se porta sur des biens jolies jeunes filles, une pensée traversa alors l’esprit de notre jeune protagoniste‘
’ By the pricking of my thumbs something wicked this way comes’’ comme disait un célèbre auteur anglais, et comme pour confirmer cette drole d’impression, un homme prit place à coté d’elle. Mais pourquoi s’étonnait-elle de voir des gens étranges dans ce qu’on pourrait communément appeler un bordel ? Pourquoi était-elle réellement là ? Tant de questions lui traversaient de temps en temps l’esprit, avant de fondre comme l’innocence du crépuscule humain…