Age: Trop pour être compté, et puis vous savez, ça change tous les ans!
Classe: Dieu
Pouvoir: L'annulation, la poussière, le contrôle du Temps

   

   
Eh bien... En tant que Dieu je n'ai pas vraiment d'apparence fixe. Mais si vus y tenez je vais décrire ce qu'un  Humain du 21° siècle verrait devant moi.
Pour commencer, il verrait un homme surgir de nulle part, enveloppé de poussière gris pâle s'il m'a pris l'envie de frimer un peu. Ensuite, la poussière disparaissant il pourrait deviner petit à petit le reste de ma morphologie : un homme grand à la peau pâle, aux longs cheveux bleu-violet ou noir -ça dépend de s'il me rencontre en journée ou la nuit-, aux yeux sombres assortis. Ce qu'il verrait ensuite, c'est que je suis plutôt musclé, mais surtout que je suis vêtu à l'ancienne mode de Sumer ( c'est à dire des vêtements très amples et drapés, colorés, et une quantité assez conséquente de bijoux métalliques ), à moins qu'il ne m'ait pris l'envie de me fringuer en laquais de Louis XV ou en moine confucianiste. Oui, j'aime me déguiser, et alors ?
Ce qu'il verrait ensuite certainement serait un air de tristesse lointaine sur mon visage, avant que je ne prenne l'air doux et protecteur que j'ai coutume d'adopter face aux humains. Peut-être avec beaucoup d'attention remarquerait-il une violente colère sourdre du fond de mes yeux. Ou peut-être pas.
Mais ce qu'il verrait surtout, c'est que je suis Nanna, fils d'An, le Dieu de la Lune.

   

Vous pensez peut-être que je suis narcissique, étant donné le paragraphe d'au-dessus. En vérité, c'est plutôt le contraire. Je suis un perdant : tous ceux que j'aimais se sont perdus dans les remous du temps. Je les ai perdus. Le seul qu me reste, c'est Ershkigal, mais je ne suis pas sûr qu'avoir le Dieu des Enfers pour seul ami doive vraiment constituer une grande consolation.
A part ça, je suis plutôt posé. Réfléchi. Mais on l'est forcément lorsqu'on dispose de l'infinité du temps pour méditer. Je sais prendre du recul, aussi si on m'exaspère, je me contente la plupart du temps de répondre froidement et de toucher juste. C'est très gratifiant, je vous assure. Mais ne croyez pas pour autant que je sois un manipulateur sans cœur. Non, je sais aussi être proche des gens et les soutenir. Je prends soi de ceux que j'aime. Mes missionnaires. Mon frère aussi, il y a bien longtemps. J'ai appris pour les garder auprès de moi à être comme un grand frère protecteur, taquin, à l'écoute, mais surtout secret.
C'est ici qu'on entre dans le vaste champ de mes défauts. (Oui, je suis un Dieu et j'en ai. Je sais.)
Je suis secret. Un peu trop mystérieux pour qu'on me croie vraiment gentil. Et un poil parano. D'un autre côté, quand on se fait jeter par la moitié d'un Panthéon et trahir par son frère, on gagne à être un peu méfiant.Oui, même si c'est arrivé il y a plusieurs millénaires. Ah j'oubliais, je suis aussi un peu rancunier. Oh, rien qu'un peu.
Mais surtout, je suis un marginal.

   
Mots et lettres. Les histoires en sont remplies, et la mienne n'échappe pas à la règle. Toutes les histoires se croisent puis s'éloignent à un moment ou à un autre La vôtre croise la mienne et s'ajoute à la litanie de mes années.

Je suis né il y a quelques milliers d'années,en même temps que mon principe contraire, pour devenir la divinité de la Lune et du Temps. M'incomberait la lourde tâche de joindre le Monde et les Enfers par ce principe inéluctable qu'est l'écoulement des choses. Tout finit toujours par partir. A cause de moi. C'est pour ça que les autres Dieux se méfient de moi. Personne n'aime Ershkigal, le Dieu des Enfers. Alors je vous laisse imaginer comment ils considèrent le moyen de faire la liaison entre eux et lui.
Mais envers et contre tous, un seul m'estimait : Utu, Dieu du Soleil, mon exact opposé. Aussi fougueux que j'étais réfléchi, aussi ouvert que j'étais secret, nous nous complétions en une entente parfaite et osmotique. Jamais mon frère ne me fit défaut. Et moi, je crus ces temps lumineux à l'image de nos vies. Éternels.
Mais c'était sans compter les Humains. D'eux naissent schismes et mésententes Nous sommes tous sourds et aveugles, enivrés que nous sommes de notre propre beauté. Et c'est ainsi que l'on désire, que l'on pleure et que l'on hait. C'est ainsi que je fus conduit à haïr mon frère. Il m'avait trahi et jamais, non, jamais je ne lui pardonnerai, et rien n'effacerait jamais ses actes.
Depuis je fus de nombreuses divinités. Les Humains me conduisirent à adopter les identités de Nout, Hécate et ses sœurs Séléné et Artémis, puis Diane et bien d'autres encore. Tant d'apparences et de mentalités pour tenter de ne plus penser à lui. J'abandonnai cependant bien vite cette idée, et en quelques siècles redevins celui que j'étais à ma naissance. Je me concentrai sur la création de mon royaume, que je voulus infini et mort, stérile et vide, pour y méditer en-dehors du monde. J'y créai un temps fluctuant et propre à mes nombreux sauts temporels, s'adaptant à mes émotions et à mes moindres désirs.
Là je régnai seul jusqu'à aujourd'hui, m'échappant de temps à autres de mon exil en voyageant dans l'histoire de la Terre. Il m'arriva bien souvent de retourner assister à notre jeunesse heureuse ou d'essayer de changer le cours des choses. Mais c'était contraire à ma nature ; je souffrais d'être en contradiction avec moi-même autant que d'assister impuissant à es scènes douloureuses et mille fois vécues.
Mon histoire. Des mots et des phrases que l'on répète. Mains rien ne change dans cette fuite du temps. Rien ne change.

~

Je suis assis sur le sol de mon royaume. Hors du temps commun. Ici, je suis il y a longtemps. Avant la trahison. Je savais que bientôt Utu rentrerait, qu'il s'affalerait juste à-côté de moi.
Mon frère entra, et s'allongea à plat-ventre à-côté de moi.
_Pff ! Il n'y a pas plus épuisant que de départager deux dieux mineurs ! Et toi, ça va la journée ? Ou la soirée plutôt...
Je lui adressai un sourire fatigué mais affectueux. Lui ne savait encore rien.
_Il n'y a pas de soirée ici, Utu.
Il se retourna sur le dos en rigolant. Chaque détail reste gravé dans ma mémoire.
_Ben dis donc, je ne te savais pas si pointilleux ! Comment tu fais pour dormir ici ?
_Ben j'appelle un lit, il arrive et je dors, lui répondis-je en riant. Il leva un sourcil. Ce qu'il pouvait être beau, mon frère, auréolé de ses cheveux flamboyants, et si innocent encore.
_Haha, très drôle. Non mais je veux dire que pour un Dieu de la nuit, on ne te voit pas souvent te reposer...
En aurais-je vraiment le temps ? Je tiens à profiter de chaque instant avec toi, ils sont si courts...
_C'est normal, je dors quand toi tu bosses.
Il eut un rire léger et se retourna sur le ventre, sans aucune attention pour la poussière recouvrant le sol.
_C'est sympa de se sentir soutenu !
NON, Utu ! Non, je ne veux pas que tu nous sépare. Surtout pas.
_Si tu veux changer ça, on pourrait aller voir Papa ? J'eus un sourire narquois. Peut-être arriverais-je à le vexer suffisamment pour qu'il n'aille jamais le voir. Raté. Les yeux dans le vague, il répondit par un lointain
_Ouais...
Il y eut un silence. Mon frère, je viens du futur et je sais que tu vas me trahir. Toi non. Comment pourrais-je te faire comprendre que tu es mon bien le plus précieux ? Je cherchai ses yeux.
_Penses-tu qu'il y ait quelque chose de plus précieux pour moi que notre relation ?
_Heu... Je sais pas. …  Tes cheveux peut-être ? Son sourie grandissait à chaque instant.
Je suis sérieux, imbécile. Il faut que tu comprennes. Et là on est très mal partis. Je me pris la tête dans les mains.
_T'es un vrai gamin...
Il m'adressa une grimace faussement dégoûtée. La même. Toujours la même.
_J'aime pas te voir avec cet air sérieux... on dirait un grand-père tout ridé...
Que te répondre ? Je suis torturé. Je n'ai pas le droit de créer de paradoxe temporel, c'est mon rôle d'y veiller. Et chaque fois que je revis cette scène je dois dire les mêmes paroles, suppliant intérieurement qu'il me comprenne.
Il se remit sur le dos et me regarda.
_Allez, Sín, fais pas la tête, c'était pour rire !
_Je voulais juste que tu saches, Utu... Que tu prends au moins autant soin de tes cheveux que moi !
Raté. Encore. Il sourit comme un con, cet enfant qui ne voulait pas comprendre.
_Normal, ils sont magnifiques !
Renonce, Nanna. Le moment est passé. Je lui balançai une poignée de poussière dans les cheveux
_Quel crâneur, petit frère !
Je riais, mais au fond de moi un espoir était mort. Encore un.
_Qui est petit ? rétorqua-t-il, puis la scène se perdit dans une nuée de poussière stérile. Je n'avais rien pu faire. Je ne pouvais jamais rien faire. De retour dans mon royaume présent je m'écroulai au sol.

 
 
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