Jeu 9 Avr - 15:40
Toujours immobile au milieu du chemin, Anselys s’était arrêtée de bouger. Elle regardait l’inconnu s’avancer vers elle, plissait les yeux pour mieux discerner son visage. Ni très grand, ni très petit, il semblait désespérément fatigué. Il avait la tête pleine de pensées, et pour la première fois Anselys ne ressentit pas le besoin imminent de savoir de quoi il retournait. C’était une sensation étrange, cette rencontre. Cela sonnait faux, et la jeune créanne ne parvenait pas à savoir si le premier contact serait plutôt amical, ou au contraire plutôt détestable. Ou peut-être bien qu’il serait sans grande importance, de ceux que l’on fait chaque jour sans vraiment s’en apercevoir. On dit bonjour, on prend des nouvelles, on s’en va. Puis on oublie, et on recommence. Finalement, Anselys n’avait que très peu d’amis, de vrais amis, ceux sur qui on peut vraiment compter. Elle avait fini par se dire qu’elle n’en avait pas besoin, et que ses secrets lui serviraient en cas d’urgence. Un petit chantage, vous voyez. Rien de bien méchant en soi ; c’est une forme de commerce comme une autre, peut-être un peu malhonnête, mais il en faut bien.
Anselys n’avait pas bougé. L’homme lui, s’avançait lentement vers elle, le regard plongé dans les vagues, comme s’il cherchait à s’y noyer. On avait l’impression que tout son être était en train de couler, comme pour échapper à un secret trop lourd, une responsabilité trop grande. C’était l’impression que la créanne avait, en tout cas. A quelques mètres d’elle, il s’arrêta soudain, et leva la tête. Anselys se demanda vraiment s’il venait seulement de remarquer sa présence, après le temps passé immobile au milieu du chemin. Son regard croisa le sien, et à son plus grand étonnement, il semblait étrangement calme. L’inconnu s’était arrêté, l’avait dévisagée un court instant, puis s’était désintéressé tout aussi vite. La jeune fille n’avait toujours pas parlé, lui non plus. Un silence s’installa. Pas particulièrement pesant, ce silence, c’était un silence respecté, respectable. On entendait le bruit des vagues, le vent souffler. Puis il se lança enfin.
- Tu regardais la mer, toi aussi ? Tu peux rester, si tu veux. Je dérangerai pas. Je fais jamais beaucoup de bruit.
Il avait parlé calmement, comme un enfant. Anselys était de plus en plus intéressée par cet individu sorti de nulle part à qui elle s’apprêtait à répondre. Sa phrase l’avait intriguée, la tournure aussi, comme si c’était à lui de décider si elle pouvait rester ou non. La jeune fille sentit une pointe d’agacement. Elle ne savait pas vraiment comment réagir, mais son côté fouineuse de première repris le dessus.
- Oui, elle est cool la mer, hein ?
En finissant sa phrase, elle sautilla d’un pied sur l’autre en direction de l’homme. Toutes les questions qu'elle avait accumulées dans sa tête jaillirent en désordre.
- Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu avais l’air triste tout à l’heure, tu sais. Pourquoi ? Oh, et c'est quoi ton nom ? Heh, t'inquiètes pas, je t'embêterai pas longtemps. Ou peut-être que si.
Elle parlait comme toute fillette de onze ans l’aurait fait, avec les yeux pétillants, un sourire enjoué, le ton innocent. Elle s’en fichait de l’atmosphère qui pesait autour de l’inconnu, tout ce qui l’importait à présent, c’était sa curiosité. Elle s'en fichait aussi s'il ne lui répondait pas, elle était habituée aux mauvaises réactions. Elle voulait juste en savoir plus, juste parler à quelqu’un. Ca faisait longtemps qu'elle n'avait pas parlé à quelqu'un. Pas de chance pour lui ; il était là. Il aurait sans doute préféré se trouver à un autre endroit. Mais on n’y peut rien, le hasard fait parfois bien les choses...