En vrai si ça se trouve Enlil il est allergique à la menthe. Et du coup il l’a mal pris quand je lui ai apporté des mouchoirs à la menthe. Ah, mais il fallait me le dire ! J’aurais fait un effort et j’aurais amené des mouchoirs basiques hein !
Nan parce que là… quand Enlil passe en mode « faisons chier le limaçon, youpi ! » bah… bah… vous voulez que je vous raconte la semaine que je viens de passer ? Allez, c’est l’heure de l’histoire du soir !
Il était une fois, une jolie et merveilleuse jeune fille aux cheveux argents qui, comme à son habitude, se rendait en cours, un mardi matin des plus normaux. Enfin. C’était avant le drame.
Pouic. Je lève le pied avec une grimace. Oh merde, j’ai tué un crapaud.
Ah. Un crapaud ? Roh, c’est encore Renzo qui a fait des conneries ? Et non, je ne rejette pas toujours la faute sur Ren-papillon, ce n’est pas vrai. Non ! Seulement neuf fois sur dix. Mais je l’aime bien quand même hein !
Enfin bref. Je lève les yeux et constate avec stupeur que nombre de ces batraciens répugnants sautent paresseusement dans le couloir. Certaines filles s’étaient mises à hurler et se barraient en courant, tandis que j’entendais un mec pas loin prévoir de faire cuire les crapauds au barbecue. Roh les gars, c’est dégueu’ ça… faut au moins le faire au four, comme ça t’es sûr que ça va pas te gicler à la figure !
Je jette un œil dégouté au crapaud que je venais d’écraser.
Et puis là. C’est le choc.
Une élégante déclaration fort charmante et fort…hm… surprenante.
« Lynn ♥ »
Non mais… non. Je ne suis pas d’accord. Il y a plus élégant qu’un crapaud pour déclarer sa flamme ! Franchement ! Ok soit le crapaud est censé se transformer en prince charmant et tout et tout mais… mais euuuuh non ! Berk !
C’est quoi ce bordel là ?
Les batraciens pullulent dans le couloir, et chacun d’eux porte une inscription « Lynn ♥ ». Non mais, écrire ça sur le dos d’autant de bestioles, c’est pas normal. Où tu trouves autant de crapauds d’ailleurs ? Et COMMENT tu les amènes dans un couloir au beau milieu d’une école ?!
…
Oh…oh.
—
Enlil, sifflé-je entre mes dents.
Allons. J’étais sûre qu’il m’aimait bien, au fond ! Même s’il aurait pu me le faire savoir autrement que par des crapauds répugnants…
* * * *
Alors là. NON MAIS JE SUIS PAS D’ACCORD.
Je fixe d’un air désemparé la fenêtre. Les arbres non loin.
MES ROBES PUTAIN !
Non mais c’est pas possible, elle était fermée ma fenêtre ! COMMENT ELLES ONT ATTERI LA-BAS ?! Non mais… non…
Grinçant des dents, j’enfile un jean, un t-shirt et des baskets, et me rue dehors, au pied desdits arbres. Je lève les yeux vers eux. C’est haut, quand même.
Un soupir blasé m’échappe. Enfin. Peut-être pas si blasé que ça. CA ME SOULE GRAVE. Genre vraiment ! COMMENT je suis censée faire sans mes robes moi ? Que fait donc une princesse sans robe ?! C’est super triste !
Bon. Ce putain d’arbre est en plein milieu de la cour là. Les gens qui passent autour ils me regardent déjà trop chelou parce que je suis absorbée dans la contemplation d’une branche. OUI BEN OUI C’EST PASSIONNANT D’ETUDIER LA PHOTOSYNTHESE DES FEUILLES OK ? Nan mais, sans dec’.
Résignée, je tends la main, et fais tant bien que mal apparaître une échelle. Ou du moins un truc qui y ressemble. J’ai jamais créé d’objet aussi grand, okay ! C’pas ma fauuuuteuuuuh !
Enfin bref. Je tente comme je peux de caler le semblant d’échelle contre une branche proche de celle où se trouvait l’un de mes biens. Tss. Puis je monte. Tout se passe bien. Au début. Et puiiiis… baaaah… pouf ! Ouais, exactement, pouf ! L’échelle, j’en suis genre au dernier barreau, et elle, cette conne-là –ouais j’insulte une échelle, vous avez un problème ?- elle disparait. Genre banaaaal. Je pousse un cri de surprise et j’vois limite ma vie défiler devant mes yeux. J’attrape, par je ne sais quel miracle, la branche où était accrochée la robe, le cœur battant la chamade. Oh mon dieu. Oh mon dieu. Quoique je suis pas sûre que l’autre monsieur chef du Panthéon veuille réellement m’aider là. Si ça se trouve c’est même lui qui a fait disparaître l’échelle.
J’attrape tant bien que mal un pan de l’une de mes robes blanches, et tire un peu dessus. Et. Et. Et ? CRAAAAC ! (J’ai toujours eu un don pour les onomatopées). La branche à laquelle je m’accrochais comme je pouvais cède sous mon poids –je comprends pas pourquoi, je suis super légère pourtant-, et je me ramasse comme une grosse merde par terre. Bon, ma robe est foutue hein. Et ma cheville est foutue aussi. J’ai mal, bordel.
Je jette un œil un peu ébahi à ma cheville droite qui avait déjà commencé à enfler un peu.
Putain.
C’était grave pas drôle comme blague.
Mes robes vont pas redescendre toutes seules… la journée va être longue…
* * * *
Bon.
Je me lève prudemment –en grimaçant en posant mon pied droit au sol- ce matin-là. J’inspecte ma garde-robe, sous le lit, dans le placard. Rien d’anormal. La journée semble commencer normalement. J’hésite entre me réjouir ou trouver ça très louche. Enfin ! Allons-y hein ! Du coup hier avec les robes j’avais fait péter les cours –il y a des priorités dans la vie-, aujourd’hui fallait bien que j’y aille hein…
Bref, je jette mon sac sur mon épaule, et prends la direction des salles de cours.
Sauf que. Sauf que ! A croire que je suis maudite cette semaine, sans déc’ ! Enfin… moi je trouve la situation très drôle, mais…
Bref… alors… déjà ! J’AI BESOIN D’EXPLICATIONS. POURQUOI est-ce qu’il y a un putain de pot de peinture ROSE posté pile dans l’angle du couloir ?! C’est pas normal ! QUI a eu l’idée de repeindre les murs en rose ? Genre… non ! Le vert c’est mieux ! Pff ! Ensuite… deuxièmement ! POURQUOI est-ce que je n’ai vu ce pot de peinture qu’APRES avoir magnifiquement donné un coup de pied dedans ?
Je regarde d’un œil surpris les chaussures de la personne devant moi, qui venaient d’être teintes en un joli rose bonbon. Je lève les yeux vers le visage de la personne, et lui adresse un sourire débile :
—
Wouah, Renzo ! Tu savais que le rose t’allait bien au teint ? Ahah, ça complètera ton costume de papillon !Je ramasse le pot de peinture et le lui mets dans les mains :
—
Tiens, si ça te fait plaisir tu pourras aller peindre la porte du bureau de Steek avec ce qu’il reste.Je m’empresse alors de me casser, parce queeeeeee…euh… j’ai des cours hein ! Je ne voudrais pas arriver en retard en cours ! –bon en vrai j’ai juste pas envie de nettoyer le sol. J’ai qu’à espérer que Ren-papillon soit pas un cafteur.-
Pas d’autres incidents notables dans la matinée. Enfin, si on fait abstraction du mec qui faisait des expériences cheloues dans la cour avec du jus de betterave, et queeeee BAM, collision non volontaire parce que j’étais en train d’envoyer un message.
Puis, le repas du midi. Alors là ! C’était teeeeeeeeeeeeeellement drôle ! Bon, ça ressemblait pas mal à une tentative de suicide… mais ! C’était super marrant !
J’me suis donc magnifiquement cassé la gueule –celui qui m’a fait un croche-pied, j’lui arrache le bras dès que je le recroise-, mon plateau en main. Enfin du coup il est plus trop en main, mais voilà. Et du coup, devinez sur qui mon dessert aux fruits rouges s’est renversé ? Allez, dites un nom ? CETTE CHERE TÊTE A PAILLETTES ! J’ai cru qu’il allait me planter sa fourchette dans l’œil –pas touche à mes yeux !- quand il a vu la tâche rose qui grandissait sur sa chemise… du coup je lui ai adressé un autre sourire débile en sortant un truc du style « Hey fais attention, un jour tu vas te transformer en poney rose à paillettes ! » puis j’me suis cassé, d’un pas assez –très- rapide.
M’enfin… La journée fut longue.
Trèèèès longue.
J’EN PEUX PLUS DU ROSE.
* * * *
Ça vous est déjà arrivé de vous faire réveiller à deux heures du matin ? Pas parce que votre petit frère vient vous renverser un sceau d’eau froide sur la tête parce qu’il veut se venger que vous ayez mangé le dernier kinder bueno hein ! Genre non, te faire réveiller par un truc qui te tire les cheveux. Alors, complétement endormi, tu tends la main pour piger c’qu’il se passe et là… et là ! Ta main elle tombe sur quoi ? DEVINE SUR QUOI ELLE TOMBE ?! SUR UN PUTAIN D’AMAS DE PLUMES QUI CROASSE ! Un corbeau, rien que ça ! Juste… POURQUOI ?!
Puis j’ai rabattu la couette sur ma tête, après avoir viré le piaf de mon lit. SAUF QUE CE CONNARD, bah il avait pas l’intention de me laisser dormir ! Jusqu’à ce que je me lève il m’a donné des coups de bec au travers de la couverture ! Autant vous dire que le lendemain je me lève avec des cernes pas très classes.
…et là. Grosse blague. Sur les meubles, sur le lit, par terre… un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, HUIT CORBEAUX. NON MAIS. NON !
Ils ont passé la journée à me suivre et à m’attaquer de coups de bec ces cons. JAMAIS ils m’ont lâchée. Bon j’avoue, dès dix heures j’ai pété un plomb.
J’ai réussi –applaudissement s’il vous plait- à rentrer dans les toilettes en coinçant les huit corbeaux à l’extérieur. Là ils s’énervent tout seuls comme des cons sur la porte. Héhé ! Oiseaux débiles ! On ne s’en prend pas à ma génialissime personne comme ça ! Pff !
Je souffle bruyamment. Quelle semaine de merde. Hé Enlil, c’était juste des mouchoirs à la menthe, c’était pas la peine d’y aller aussi fort hein… !
Alors, j’entends un bruit chelou derrière moi. Je tourne la tête. Ça vient d’une des cabines. Je hausse un sourcil, et m’en approche. J’étais seule quand je suis entrée, ça ne peut pas être quelqu’un. Je me penche légèrement au-dessus de la cuvette, d’où s’échappe une espèce de bruit de succion.
Un temps.
Puis, avec un hurlement, je tombe pas très gracieusement en arrière, un oiseau à plumes noires, trempé de l’eau des toilettes s’appliquant à me foutre ses ailes sur le visage.
—
C’EST DEGUEULASSE PUTAIN !J’attrape le corbeau par le bout de l’aile, et le rebalance dans la cuvette des toilettes d’où il était sorti, me remets debout précipitamment et claque la porte de la cabine –ok ça sert à rien parce qu’il peut passer par au-dessus mais bon-, avant de me pencher avec un haut-le-cœur au-dessus d’un lavabo, et de cracher les bouts de plumes que j’avais dans la bouche.
Puis je lève les yeux vers mon reflet dans le miroir. Cheveux ébouriffés, visage trempé –DE L’EAU DES TOILETTES PUTAIN- avec quelques plumes ébène se baladant par-ci par-là, j’ressemble à rien. A RIEN J’VOUS DIS ! Je me fais de la peine.
—
Enlil, tes blagues sont pas très drôles.Des bruits chelous retentissent à nouveau derrière moi, et le corbeau ressort de la cabine, et se fait une joie de venir manger mes cheveux. Mes beaux cheveux, putain ! Agressés par un mélange de bave de corbeau et d’eau de toilettes ! C’est dégueu !
Avec un grognement de rage, je m’empresse de rouvrir la porte des toilettes, dans le but d’échapper au piaf trempé. Sauf queeeeeee petit problème ! J’avais zappé les huit autres corbeaux qui attendaient devant la porte !
—
MAIS C’EST PAS POSSIBLE PUTAIN !Autour, quelques missionnaires qui passaient par là se mettent à rire en me voyant batailler face à cette montagne de plumes noires qui m’attaque.
— Ahah, Enlil n’est pas très content de sa petite prêtre-roi ? fait l’un d’eux en riant.
—
J’comprends pas pourquoi ! fais-je d’une voix aiguë.
Non, je comprends pas. C’est cool des mouchoirs à la menthe pourtant !
* * * *
Enlil… est-ce que j’ai vraiment une tête de chat ?!
Je jette un œil sceptique aux rubans noirs sertis de grelots qui ornent mes poignets et mes chevilles. POURQUOI ?! Je peux pas les enlever en plus ces conneries ! Sans déconner ! Je suis pas un chat, pourquoi des grelots ?! Bon à la limite vaut mieux ça que des cloches, parce que bon je l’aurais très mal pris qu’on me voit comme une vache… mais bon quand même !
Je laisse mes mains retomber sur mes cuisses, et le tintement des grelots m’arrache un soupir exaspéré.
Enfin bref, j’ai passé la journée à ignorer les remarques trop chiantes des gens dans la Congré. OUAIS DES GRELOTS, ET ALORS T’AS UN PROBLEME P’TIT MERDEUX ? Pff. Tu verras quand ton dieu il trouvera drôle de venir t’embêter. Attends, c’est qui ton dieu ? Utu ? Ah bah en fait non t’as pas de dieu pour l’instant. Tu peux pas comprendre ma douleur !
J’en ai marre. J’aime bien Enlil hein, mais là ça devient très chiant toutes ses petites blagues.
* * * *
NON. ALORS LA NON JE SUIS PAS D’ACCORD. ENLIL, JE PROTESTE FORTEMENT !
Je soulève une mèche de cheveux d’un air dégouté. Bruns. Mes cheveux sont BRUNS. Où est passée la belle couleur argentée ?! OU ?! Naaaaaaaaaaaan ! C’est le désespoir là ! MES BEAUX, MES MAGNIFIQUES CHEVEUX ! Ma génialissime personne, avec les cheveux d’une couleur commune ! J’ai rien contre les bruns hein, mais moi j’en étais fière de mes cheveux de princesse ! Enlil a tout ruiné là !
ET PUIS MES YEUX, ON EN PARLE ? Vous voyez mes yeux magnifiques, mes yeux vairons, d’un joli vert pomme et d’un bleu profond ? BAH PLUS LA. Enfin, ils sont toujours là –encore heureux, vous imaginiez si on m’arrachait les yeux, genre comme dans Naruto ?-, mais… mais noisette. D’une couleur des plus banales. NON. NON MAIS NON ! Mes jolis yeux vairooooooooons !
Je serre les dents, sentant mon sang bouillonner dans mes veines sous le coup de la colère qui monte.
Je suis désolée, mais qu’on touche à mes cheveux et à mes beaux yeux, je n’accepte pas. Jamais.
Enlil, on ne va pas s’entendre sur ce point-là. En plus c’est dimanche, vas-y cours toujours pour trouver un salon de coiffure ouvert !
* * * *
A ma grande joie, le lendemain tout est redevenu normal. Mes cheveux, mes yeux. En fait c’était juste pour hier, histoire que je sois bien en colère contre Enlil et que je passe ma journée à faire des recherches sur si ça abimait beaucoup les cheveux de se les faire décolorer.
Pas de grelots non plus. Ni de crapauds dans le couloir. Ni ne peinture rose partout. Rien.
UNE JOURNEE NORMALE LES GARS !
C’est donc d’un pas plutôt joyeux que je vais en cours, ce lundi matin. Tout se passe bien, le cours est chiant, mais pas d’accrochage.
Jusqu’à ce que je me liquéfie sur place.
« PETIT PAPA NOËL QUAND TU DESCENDRAS DU CIEEEEEEEEEEEEEL ! […] ♫ »
Et là, je vous entends demander « mais, qui est le débile qui chante petit papa Noël à la fin du cours, en plein été ?! ». Bah c’est moi ! Enfin… disons que c’est ma voix, qui retentit dans les couloirs ! Je me reconnaitrais entre mille ! Je chante divinement bien, je le sais, m’enfin quand même euuuuuh m’entendre chanter petit papa Noël en public j’assume pas trop ! Surtout que c’était y a grave longtemps ça, c’était à l’anniversaire des dix-huit ans d’une amie en Angleterre ! En fait je crois que j’étais tellement bourrée à ce moment-là que je m’en souviens pas… mais on me l’a raconté…
Autour de moi la classe entière explose de rire, tandis que je sens mes joues chauffer, et que la colère monte à nouveau en moi, tandis que le professeur se demande ce qu’il se passe, pourquoi c’est pas la sonnerie ordinaire etc etc.
Je serre les dents, de rage.
Ainsi, à chaque heure, chaque sonnerie change, en un truc hyper ridicule que j’ai pu sortir. Du style… à la sonnerie de midi, c’est un hurlement hypeeeeeeer strident qui retentit, avec des croassements dans le fond. Ah mais putain, ça c’était quand j’me suis faite agressée par le corbeau l’autre jour là ! Ou encore, à deux heures… « Hey fais gaffe moi j’ai un panneau indiquant une autoroute ! -NAN MAIS TA GUEULE TU PEUX PAS TEST, MOI J’AI UN SENS INTERDIT ! ET OUAIIIIIS VISE MA PUISSANCE ! »… … non mais… ça je l’ai même pas dit à voix haute ! C’était dans le fil de mes pensées !
Au fur et à mesure de la journée, ma colère ne fait qu’augmenter. Entre les trucs que j’ai pu sortir en étant bourrée, ou des trucs qui sortis de leur contexte me font passer pour une folle, ou encore des chansons pour très jeunes enfants que j’ai pu chanter pour la rigolade en étant seule dans ma chambre… Bah maintenant je sais que les murs ont VRAIMENT des oreilles hein !
N’est-ce pas Enlil ?
—
C’était pas drôle, tout ça. Vraiment.Je m’écroule sur mon lit, à la fin de la journée.