J’observai d’un œil nerveux tous les bâtiments autour de moi. Tout était haut, très haut, il me semblait bien que c’était ce qu’on appelait des « immeubles ». Je n’en avais encore jamais vu, aussi fallait-il dire que je préférais être dans la forêt, et que si le besoin se faisait de rejoindre les habitations, je m’arrangeais pour me rendre dans de petits villages.
Mais cette fois-ci, j’avais estimé qu’il serait bien que je me familiarise avec le monde dit « urbain ». Après tout, Stockholm était la capitale, la ville la plus importante de Suède, n’est-ce pas ? Alors il serait sage que je commence à me rendre dans des endroits un peu plus peuplés. Pour me familiariser avec la langue, le vocabulaire de la ville, les gens, les coutumes. Azur m’avait fait comprendre que je ne devais pas me faire remarquer. Que la discrétion était pour les créannes une bonne alliée de la survie.
La discrétion. Quelle discrétion ? Pensiez-vous réellement que c’était discret de marcher dans… « Une rue » -je crois- avec un faucon perché sur son épaule ? Car ça n’était manifestement pas le cas. Les gens me regardaient passer avec des yeux ronds, et les enfants me pointaient du doigt. Je m’efforçai de ne pas tiquer, de ne pas montrer que ça ne me plaisait pas vraiment que l’on me considère comme une bête de foire. C’était insultant, vraiment !
Même si je devais bien avouer qu’en effet, cela devait paraître étrange. Azur n’avait pas voulu reprendre forme humaine, et n’avait voulu répondre à aucune de mes questions. Elle y répondait rarement, d’ailleurs. Quand elle voulait bien communiquer avec moi, c’était pour me donner des indications, voire m’expliquer certaines choses si elle le jugeait nécessaire. Au fond, elle me guidait dans ce monde que je ne connaissais pas.
J’avais atterri là, dans cette forêt en Finlande, sans savoir pourquoi, ni comment, ni qui j’étais. Oui, certes, j’étais une créanne, je le savais. Peu après ma naissance, Azur m’avait tout expliqué, du moins tout ce qu’elle savait. J’étais né d’un dieu, l’un de ces six êtres très puissants gérant le monde. En revanche, lequel, elle n’était pas en mesure de le savoir. Elle ne savait pas non plus de quelle émotion forte ressentie par ce dieu j’étais né. Mais moi, je le savais. Ce genre de chose, c’est instinctif. La colère. Et puis ma susceptibilité ne vient pas de nulle part, j’imagine. Pour une créanne, le sentiment duquel elle est née sommeille toujours quelque part en elle. Libre à elle ensuite de le laisser guider son existence ou non. Pour ma part, ce sont des émotions qui ne pouvaient se réveiller qu’au contact des autres. Je doutais d’avoir assez communiquer avec d’autres êtres, humains ou créannes, pour laisser ce qui m’a donné naissance me dominer.
Je fus sorti de mes pensées par l’aile d’Azur qui bougea légèrement, venant caresser ma joue, pour attirer mon attention. Je me rendis compte que je m’étais engouffré dans une rue plus étroite, déserte. Enfin, presque. En face, deux hommes en uniforme approchaient, me fixant. Ils s’arrêtèrent à quelques pas de moi, je me figeai donc. Un faible soupir m’échappa. Que me voulaient-ils donc ?
— Bonjour jeune homme, dit l’un d’eux, d’un ton sympathique d’abord.
— Bonjour, répondis-je, méfiant.
— Les rumeurs courent en ville, en ce moment. Un adolescent se promenant dans les rues, avec perché sur son épaule un faucon ! Je n’y croyais pas, honnêtement… mais en effet…
Je haussai un sourcil. Ces gens n’étaient venus que pour me dire ça ?
Le deuxième homme prit la parole :
— Cependant, je doute que vous ayez une quelconque autorisation pour posséder cet animal, jeune homme. Les faucons sont des animaux sauvages, je doute que vous en ayez trouvé un dans une animalerie.
Je haussai légèrement les épaules.
— Je l’ai vu dans une forêt, c’est lui qui me suit. Je ne le maltraite pas, je ne lui ai pas volé sa liberté, si c’est ce que vous insinuez. Voyez par vous-même, il est libre de s’envoler à tout instant.
Pour ponctuer mes paroles, Azur déploya ses ailes d’un blanc de neige et démontra qu’elle était parfaitement capable de voler, que je ne lui avais pas cassé les ailes ou autre. Elle vint effleurer la joue de l’un des deux hommes, puis revint doucement se reposer sur mon épaule.
Mais il secoua la tête.
— Navré, jeune homme. Mais nous avons des ordres. Vous ne pouvez garder cet animal.
Je fronçai les sourcils. Tss, ces personnes m’énervaient. Qu’ils se mêlent de leurs affaires ! J’aurais bien envie de leur crier qu’Azur n’était pas un simple faucon.
— Laissez-moi tranquille. La morsure d’un renard peut faire très mal, vous savez.
Ils éclatèrent de rire.
— Un renard maintenant, mon garçon ! Dis-moi, tu es passé au parc zoologique récemment ou… ?
Un faible grognement m’échappa. Ils l’avaient cherché. Je me pinçai un peu les lèvres, et mon corps s’affaissa, tandis qu’Azur s’envolait.
Ma forme de renard. Cela faisait un moment que je ne l’avais pas prise.
Les deux hommes écarquillèrent les yeux et devinrent très pâles. Je gonflai ma fourrure pour paraître menaçant. Ils reculèrent.
— Bordel… bordel c’est quoi ça ?! C’EST QUOI CE PUTAIN DE BORDEL ?!
Le premier fondit en larmes. Eh bien ? Généralement les hommes ont plus peur des loups que des renards. Je m’approchai en montrant les dents. Ils reculèrent encore, puis firent volte-face et partirent en courant. Ils devaient simplement être surpris, ça devait être pour ça qu’ils ont fui. Ils étaient armés, même sous cette forme je n’aurais pas fait long feu. J'avais cru comprendre que souvent les hommes prenaient peur face à des animaux bien plus petits qu’eux.
Mince… ce sont des médiums maintenant… pour la discrétion c’est mort…
Tss… parfois je me disais que j’étais vraiment stupide. On devait quitter la ville, et au plus vite. Je repris forme humaine, replaçai quelques mèches de cheveux et attendis qu’Azur revienne sur mon épaule.
Je rejoignis prudemment la rue principale. On avait marché longtemps avant d’arriver ici.
Maintenant, il me fallait trouver le chemin le plus court pour sortir.
Tss… pas une mince à faire, tout ça.
HRP : Euuuuh j'connais pas la loi en Suède concernant les faucons, alors j'ai un peu improvisé sur ce coup-là hein :'D