Dim 29 Nov - 0:58
Comment voulez vous que cette lumière, aussi existante soit-elle, me permette de résister à un Dieu aussi casse pied ?
Aucune chance, malheureusement, je suis trop loin de chez moi, trop affaibli. Trop impuissant. Alors je résiste comme je peux, même si je vois qu'il s'amuse avec moi. Et ma seule "aide" a foutu le camp, très très pratique.
J'essaye d'esquiver, mais mes mouvements sont entravés par l'obscurité, par le froid. Ils ne frappent pas au bon endroit. Bâtards d'Enfers, va. Je hais tout ici, tout ce lieu sans "vie", ce lieu sans rien qu'une pâle copie de ce qu'An a créé en haut. Je hais le Dieu qui gouverne ce monde inerte et incapable de procréer.
Je serre les dents, fait apparaître une lame de lumière en lui en donnant l'ordre, discrètement. Tente quelques coups en les ordonnant, mais honnêtement, en les murmurant dans ma barbe ainsi en plein milieu du monde des morts ils n'ont même pas le dixième de leur efficacité. C'est déprimant et passablement pitoyable.
Tandis que je croise le fer avec Ershkigal, j'essaye d'économiser des forces pour la suite. Inutile ? Sûrement, mais je sais que j'arriverai à passer. J'essaye de le forcer à me tourner autour pour me retrouver du bon côté, mais il est intelligent, il ne se laisse pas prendre et décide finalement d'achever le combat en élevant sa faux. Je m'attends à recevoir le coup, un peu curieux de ce qu'il se passera ensuite, je l'avoue.
Mais elle se stoppe à quelques millimètres de ma gorge.
Et c'est ce moment que Renzo choisit pour refaire son apparition, me laissant admirer pour la première fois depuis très longtemps la face furieuse de Ersh. Mais vraiment furieuse, à un point que c'en est presque écœurant, comment un Dieu peut-il s'abaisser à faire une tête pareille ? Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Renzo non plus ne sourit pas. Il se tait et regarde la scène avec gravité, sans bouger, me tournant le dos. Puis son Dieu disparaît. Et il reste là, sans bouger, encore quelques instants.
Hautement perturbant, autant vous dire que je n'aime pas qu'il me tourne le dos.
- Je ne te remercie pas.Pour m'avoir lâchement abandonné, inutile de préciser. Connaissant Renzo comme je l'ai connu, croyez moi ça n'était pas sûr qu'il revienne. D'ailleurs je ne comptais pas là dessus.
_ Tu devrais, me réplique t-il sèchement.
Je fronce les sourcils. Sèchement ? Ho, on dirait que lui aussi est en colère. Pas bon signe. Certes, la colère de son Dieu ne l'était pas non plus, mais il ne me semble pas que ça soit communicatif.
- Inutile de te demander ce que tu as fait, je suppose._ En effet, ce serait une belle perte de temps.J'ai déjà ma petite idée là dessus ne t'en fais pas, Ersh a été plutôt explicite. Ce qui m'inquiète plus, c'est qu'il ait perdu son humour. Parce que Renzo sans son humour, c'est le Renzo que je déteste le plus. Non pas que je l'aime quand il en fait, ça le rend complètement pitoyable, mais quand il n'en fait plus il n'est rien de plus qu'un danger pour tout ce qui a le malheur de se trouver autour. Et je ne voudrai pas soit faire parti des dommages collatéraux, soit d'avoir à me battre contre lui alors que j'ai réussi à éviter le combat contre Ersh.
Il commence à avancer, je le suis, presque par résiliation.
- En tous cas bravo, je ne l'ai jamais vu aussi en colère, il était presque carrément flippant... Tu sais te faire détester._ Content que ça plaise au roi des connards.- De nous deux ça a toujours été toi le plus gros connard, je te rappelle._ Marduk, ta gueule.Ok, il y a clairement un truc qui ne va pas. Et je refuse de lui faire confiance dans cet état.
- Ho mais c'est que j'ai irrité Môsieur Layne, je mériterai une médaille moi auss-Sans que je n'ai le temps de finir ma phrase, il se retourne et sa main vient se poser sur mon coup, ne se faisant pas prier pour mettre un bon coup de pression. Bordel, j'en étais sûr.
_ Ok je vais être clair, monsieur de demi dieu de mon cul. J'avais le droit de te laisser pourrir ici et j'ai toujours le droit de faire sauter ta tête, quand je veux, ça serait même plutôt bien accueilli, alors si j'étais toi j'essayerai de rester en vie. Et ça n'appelle aucune réponse de ta part. Maintenant si tu veux aller dans ce foutu étage, tu me suis ou je te décapite, c'est clair ?Un rictus crispé me prend alors qu'il serre encore. Je me suis laissé surprendre. Je ne dis pas que je n'ai pas les moyens de me libérer de son emprise, loin de là, seulement ça n'arrangera rien. De plus, je ne peux lui donner aucun ordre, je vous avais dit qu'il était malin. Je le regarde dans les yeux. Espérons que ce vieux truc marche toujours, sinon je peux dire adieux à mon septième étage pour de bon.
- "La vie est si fragile", n'est ce pas ?Il me relâche et j'en profite pour remettre mon col en place. Le style ça compte. "La vie est si fragile". C'est une de ces phrases. La deuxième fois que je l'ai entendu dire ça, je lui ai arraché la tête et je l'ai mise dans un bocal d'alcool.
- Renzo, tes yeux sont noirs.Complètement noirs. Sans pupille n'est plus qu'un point blanc minuscule, très flippant. Et je déteste ces yeux, je déteste tout son être de toute manière. Mais ces yeux qu'il prenait pour défouler son humeur sur des personnes sans raison, oui je les hais profondément. Les humains ne sont pas faits pour être immortels.
Il chasse la remarque de la main.
_ Sans blague.- Mauvaise réponse, je coupe d'un ton cassant.
Tu n'as pas relevé que c'était un charmant parallèle avec une technique de drague.Ses yeux s'agrandissent et retrouvent un peu de leur clarté.
_ Tu essayes de me draguer ?! Ça peut être considéré comme de la pédophilie ?- A part le fait qu'il faut vraiment que tu élargissent ton répertoire, c'est bon, on peut y aller.Il bougonne dans sa barbe un instant comme quoi "son répertoire est très bien" et se retourne pour marcher, prudent, vers le gardien du septième étage.
Vous n'avez pas compris ? Vous connaissez ceux qui utilisent l'humour comme mécanisme de défense ? Et bien voilà. Sauf que ce code pourri c'est lui qui l'a inventé et qu'il m'en plus demandé de le mémoriser. Je pensais clairement pas qu'une de ses inventions pourrait s'avérer utile un jour. Un code pour qu'il reprenne ses esprits... Je ne connais pas plus narcissique que ce gamin.
~*~
Le gardien du septième, c'était l'Enfer.
Très drôle l'expression, je sais. Mais je n'avais jamais vécu quelque chose d'aussi horrible, même en étant moi même à moitié divin. Malgré la protection de ténèbres dont nous entourait Renzo, et celle de lumière que j'avais créé de mon côté et qui s'émiettait à vue d’œil, j'avais l'impression que mes tympans explosaient sous la pression des voix stridentes qui nous harcelaient. Mon corps était déchiré de toutes parts par des jets de sable fin qui pénétrait nos peaux au plus profond. C'était comme être siphonné au sable de l'intérieur, tout brûlait de froid, on ne voyait rien, on entendait rien. Et ça n'en finissait pas.
Je n'arrivais même plus à savoir quand nous nous étions retrouvés entourés de sable, je ne savais plus ce qu'on cherchait, j'avais du mal à supporter ne serait-ce que 3 secondes de ce calvaire et le temps semblait s'écouler tellement plus lentement... Renzo serrait mon poignet comme un bourrin pour être sûr de ne pas le lâcher à cause d'une bourrasque trop violente qui nous aurait tué tous les deux, mais la pression qu'il exerçait sur mon bras n'était rien face au reste. En réalité je n'avais qu'une hantise, que son corps de zombi mal recomposé parte en miette d'un instant à l'autre.
Mais il teint bon. Et je ne pu communiquer avec lui à aucun moment, comme il ne le fit pas. D'un coup, je sentis ma main se faire aspirer vers le bas, vers le sol, m'enfoncer dans le sable. Shit, des sables mouvants, on avait bien besoin de ça. Sans vraiment avoir le temps de comprendre, c'est la main de Renzo qui me précipite dans le sable et...
Plus de bruit. Plus
aucun bruit, en fait. Plus de douleur, plus de vent, plus de lumière. J'ouvre les yeux, me débarrassant du sable qui a incrusté mon visage. Encore un costume de foutu, génial. Renzo tient toujours mon bras mais je ne le vois pas.
- Lumière.Un ordre puissant, à la base. Qui n'a pour effet ici que de me procurer la lueur d'une bougie lilliputienne. Très chic, merci. Enfin, ça ne m'avance pas. J'aperçois Renzo dans ses vagues contours, nous avons l'air... Flottants, au milieu de pas grand chose. Nous descendons lentement, en silence, jusqu'à toucher un "sol" aussi sombre que le reste mais avec un semblant de matérialité.
Nous avançons lentement. Un pas après l'autre. Jusqu'à ce qu'apparemment une marche nous fasse face. Une marche ? Non, sur cette marche qui semble infinie, une eau plus noire, plus dense, plus lente que celle du Styx s'étend à l'infinie. Je regarde, une respiration sereine.
Renzo finit par me lâcher (laissant une marche assez sympathique sur mon bras, je te la revaudrai), et à observer ce qui retient mon attention. Et qui devrait aussi retenir la sienne.
_ Bon ben voilà, on est au septième. Là aussi y'a clairement un problème de décoration, non ? Bon, je te laisse faire ce que tu veux avec la soupe géante moi j'avance pas plus.- Ce que tu appelles la "soupe" n'est autre que la Mer Originelle, Renzo. Lis et instruit toi, de temps en temps._ Ha, le début et la fin du monde ? Je pensais qu'elle se trouvait en dessous du temple d'Enki...- Oui aussi, c'est son point d'accès dans le monde vivant. Mais elle es partout, tu sais._ Et, je dis ça comme ça hein, mais ça aurait pas été plus simple de passer par chez Enki ?!- Et nager dedans jusqu'ici ? Bien sûr, essaye donc, on en reparlera quand tu auras poser ton pied dedans et qu'il retournera à ses origines, c'est à dire à cette soupe.Il me lance un regard résigné et hausse les épaules. Il a pigé, bien.
_ Donc tu es venu récupérer quelque chose en ce point particulier de la Mer, alors que la Mer est omnisciente et présente en plusieurs points et que rien d'autre de matériel ne peux exister en son sein qu'elle même ?- Tu as toujours des formulations aussi inutilement compliquées mais dans le principe, c'est ça. Et si rien de matériel ne peut exister d'autre qu'elle même en son sein, ça veut pas dire qu'on ne peux rien en sortir._ Tu m'as perdu.- Je t'ai perdu dès qu'on s'est mis à parler de la Mer Originelle.Je m'approche du bord de la marche. Ou devrais-je dire du quai, du coup. Je fais tourner ma petite lumière dansante sur le pseudo sol, à la recherche de... Bingo, un reflet. Un simple reflet. Je saisis la petite chaînette en or posée sur le bord dont le bout trempe dans l'eau. Je la tire, doucement, lentement, alors que je la sens frémir entre mes doigts, opposant une résistance. J'ai un peu l'impression d'être un pêcheur en train de remonter un gros poisson, c'est plutôt déstabilisant, quelque part.
Je continue à tirer doucement sur la petite chaîne, pas plus épaisse qu'un fil de nylon, avant de commencer à parler. A ordonner. A prier. Il faudra au moins ça.
- Par le pouvoir de l'âme de mon Créateur qui m'a été conféré, je te prie ô Nammu, Déesse des Origines des Mondes des Vivants et des Morts, de me rendre le présent que nous t'avions offert en condamnation pour ses pêchés.La chaîne continue à glisser entre mes doigts et à venir s'amasser sur le quai.
- Par le pouvoir du Verbe conféré par l'âme de mon Créateur, je t'ordonne, fille de Nanna et de Nintu, déesse des rêves et traîtresse de son Père, à toi j'ordonne de séparer ton corps et ton esprit de la Mer Originelle à laquelle tu étais retournée et de reprendre ton apparence au moment de ton enfermement.Au bout de la chaîne, une main semble s'extirper lentement et difficilement de la Mer. Puis un bras encore difforme, puis une tête, un buste, et lentement c'est un corps qui se retrouve sur le quai, enroulé dans la chaîne de son sceau. Une chaîne si fine...
J'attends quelques instants encore que le corps soit unifié dans ses courbes, sentant derrière moi le regard de Renzo l'air pas plus étonné que ça. Je souffle et respire lentement. Ce n'est que mon deuxième ordre et pourtant, ça n'a jamais été aussi dur. J'espère que le dernier ne m'achèvera pas. Ça serait con, comme ils diraient, au Panthéon.
J'inspire lentement, la chaîne toujours en main, le corps sans vie, sans couleurs, à mes pieds.
- Par ma voix, celle de An, Créateur du monde et des Dieux de son Panthéon, j'estime le châtiment de Geshtinanna arrivé à son terme et proclame son réveil et sa libération du monde souterrain.