Il a du sable dans l'œil. En fait, il a du sable partout, techniquement, mais là, plus particulièrement, son oeil droit est dans le sable. Et ça pique, putain. Il pourrait vous faire une liste non-exhaustive de tous les endroits qui le lancent, pour être tout à fait exact, mais il se dit que ça prendrait trop de temps, et sa tête a décidé de se mettre en pause. Il commence à peine à recouvrir son ouïe, et encore, le terme recouvrir est un peu trop fort pour correspondre à la réalité. Au moins, se dit-il, il est vivant et presque entier. À moins qu'il n'ait perdu sa jambe. Mais ça aurait été difficile de courir sans, donc il suppose qu'elle est encore rattachée à son corps. Ses côtes, aussi. Son visage est roussi et collant de poussière et de transpiration. Ce n'est vraiment pas classe, il souffre, mais franchement, il se sent presque vaguement mieux. Presque et vaguement parce qu'il kifferait bien faire un petit somme de 40 jours, actuellement, de préférence dans un endroit plus chaud que le glaçon qui lui sert de pays d'accueil.
Il resserre un peu ses doigts autour de la balle, comme pour se prouver qu'elle est vraiment là. Il observe son poing fermé d'un œil trouble mais brillant, sans réussir à laisser les quelques mots qui veulent traverser son esprit atteindre le seuil de sa conscience.
"J'ai gagné. Je suis vivant."Dave a à peine le temps de buller que des mecs en blouse s'approchent avec des brancards et un nécessaire de soin. Il lève les yeux vers eux, sans bouger, parce qu'aucun muscle ne semble vouloir répondre à l'appel - et il n'est pas non plus certain de vouloir qu'ils répondent, ces muscles. Qu'on lui foute la paix, qu'on le touche pas ; laissez-le se remettre sur ses jambes tout seul bordel, vous voyez pas qu'il galère déjà à respirer correctement ?
Son corps quitte le sol et en atterrissant en douceur sur le brancard, il comprend pourquoi il voulait pas bouger ; c'est juste que ses côtes sont dans un état pitoyable. Il espère qu'il a pas la cage thoracique complètement défoncée. C'est mauvais pour les poumons. S'il a plus ses poumons, et s'il a plus ses jambes, il pourra plus courir, pas vrai ? Ça aurait servi à quoi qu'il se défonce autant ? Il se demande... Ce sont de bons médecins ? Ils s'occuperont de sa jambe, hein ? Il grimace en sentant qu'on le manipule, qu'on décolle ses vêtements de ses brûlures. Faut qu'il puisse à nouveau courir, le reste, il s'en fout, au final.
Quand Nathan s'approche, il lève les yeux vers elle et lui lance un sourire tordu, à mi chemin entre le "hé j't'ai battue tavu", la fierté et la douleur. Il essaie de se redresser un peu pour se redonner une contenance et grimace plus franchement, tousse un peu, grimace encore en se tordant à moitié de douleur, puis laisse tomber. Bon, tant pis. Plus tard. Laissez lui quelques minutes pour retrouver son souffle sans qu'il crache ses poumons, ce serait cool.
La fatigue l'envahit un peu et il desserre sa prise sur la balle, sans la lâche pour autant - son regard consterné fait parfaitement passer le message auprès de Nathan. Il a bataillé pour l'avoir. Il a bataillé, maintenant, il la garde.
Quand le bilan est fait, bien qu'il n'ait pas vraiment entendu de quoi il en retournait, on l'oblige à se redresser. À se remettre sur ses jambes. Non, vous savez, ces trucs tremblants qui n'ont plus aucune force, et qui risquent de se dérober sous son poids, là ? Ben voilà. Il leur lance un regard désespéré (
"nan s'il vous plaît pitié laissez-moi mourir dans un lit, c'est bien un lit") mais rien à faire ; Nathan soulève sa main, la lève vers le public en faisant un signe de victoire. Il fixe dans la même direction, perdu.
Là, il se souvient qu'il est pas tout seul dans cette arène. Il se souvient qu'y a un public, qu'y a Alice qui est déjà descendue de l'estrade et qui a l'air de chialer, au loin ; il voit Warren, il voit les cheveux de Lynn, il croit reconnaître Timeo, quelques potes d'amphi, des partenaires d'entraînement, des gens qu'il a croisés ; il les reconnaît, il sait qu'ils ont vu, qu'ils étaient là, et d'un coup, tout s'efface et devient flou ; il a ses épaules qui tressautent un peu quand il sent l'énergie émaner de la balle, qu'il serre plus fort encore, à s'en faire mal, cette énergie qui l'apaise un peu et soigne vaguement sa douleur, ainsi que les blessures les plus profondes. Il a un sourire tordu, tordu mais heureux, laisse retomber son bras le long de son corps pour observer la balle lumineuse. Il se passe une partie non brûlée et non couverte de poussière de son bras sur le visage pour l'essuyer -
il a de la poussière dans les yeux, de la poussière et du sable, ça pique et ça fait mal, mais pas autant que la joie qui lui broie littéralement la poitrine à l'en faire chialer.
Derrière, il entend vaguement Nath parler. Alors, avant de quitter le terrain pour se faire soigner, avant d'être congratulé et de s'écrouler dans les bras de sa frangine, de ceux de ses potes, avant qu'on ne lui foute la paix une bonne fois pour toutes, il se contente de lui rétorquer :
— Hein ? Vous avez dit quoi ?...#surdité