Je m'étais réveillé très tôt ce matin, bien avant que le soleil ne jète ses premiers rayons. La lumière jouait avec les pierres de la caverne, donnant l'impression qu'elle irradiait littéralement de lumière en se reflètant dans le bassin d'eau pur au fond de la grotte. Cette entaille au sein d'une immense structure couleur sable offrait un vaste abri, en hauteur, loin de tout. Depuis ma fuite du village, je m'étais établie ici, préférant une vie en solitaire appréciant la liberté que cela comportait, regrettant parfois l'absence de Abu 'Omar. Mais quelque chose manquait toujours à mon coeur, un désir profond y était entré et, alors que je traversais les grandes étendues éthiopiennes, j'avais senti ce vide s'agrandir, peser davantage dans ma poitrine. Je cherchais quelque chose, j'étais en quête d'une partie de moi, mais je ne l'avais pas encore trouvée. Je ne savais pas où chercher. Tout ce que je savais, c'est que j'attendais. Je l'attendais.
D'une main assurée, je frottais lentement ma peau avec l'eau fraîche du bassin en creux, appréciant ce contact humide contre ma peau, cette sensation de bien être que procure l'eau en chassant toutes les impuretés de votre corps. Celle du grand bassin me servait pour me purifier, tandis qu'une petite source, ruisselant sur les parois de la grotte lors des jours de pluie achevait sa course dans une pierre creuse et servait à me désaltérer. Elle était presque pleine. Depuis plusieurs jours, je ne restai que très peu sous ma forme humaine. Le fennec est plus endurant, il boit peu, et en cas de soif, il me suffit de rejoindre les oasis alentours. Mes sens sont également plus développés, mes forces aussi. L'animal était adapté au milieu du désert, à défaut des hommes. Un léger sourire flotta sur mon visage, tandis que je revêtais une robe de tissu blanc, couvrant mon corps mais laissant mes bras et mes épaules dénudés. Jamais je n'aurais imaginer devoir me servir de ce que Omu Fida m'avait appris, je n'avais jamais aimé tisser ou broder et pourtant, j'en comprenais enfin l'utilité, maintenant que je vivais seule, à mon propre salut. D'un pas décidé, je me dirigeais vers l'entrée de la caverne. Je délogeai d'un geste élégant les grains de sable venus souiller une pierre me servant de siège à cet endroit et sortit de derrière elle un peigne un bois verni, serti d'une fleur de crocus en tissu, que j'avais confectionnée sous la direction Omu Fida. Abu 'Omar avait été très fier de cette création, disant qu'elle me ressemblait, qu'elle était faîte pour moi. Je plaçais donc ce peigne dans mes cheveux, faisant ressortir la fleur aux couleurs adaptées à ma chevelure. Je ne portais pas de bijoux ou d'accessoires, je n'aimais pas ça. Mais celui-ci était particulier, unique. Il était mon dernier lien avec Abu 'Omar.
***
Le sable offre une surface tangible à mes pattes. Je ne risque pas de glisser, ou de tomber. Un inventeur oublierait-il ses créations ? Mes pattes foulaient le sable avec légèreté, j'appréciais ce contact chaud et bref propre à la foulée de l'animal. De mes yeux de renard, je percevais chaque grain qui volait, emporté par le vent, chaque plante qui paraissait au soleil, chaque signe de vie dissimulé sous la mer dorée. Un scarabée avait eu le malheur de l'oublier... L'air m'apportait les effluves de la ville, la puanteur des humains qui suaient à grosses gouttes dans cet enfer. Je fronçais mes babines, gênée par l'odeur, puis me détournais. Je n'avais pas envie que l'on tente de me capturer, je faisais tout pour l'éviter. J'y parvenais d'ailleurs assez bien, étant plus intelligente que les fennecs normaux.
Je parcourus l'étendue désertique à petite foulée, jouant avec des insectes, m'amusant à courir pour le plaisir du vent à travers ma fourrure. Je m'amusais à japper une fois ou deux également, l'instinct animal prenant parfois le dessus sur moi.
Soudain, je sentis une perturbation dans l'atmosphère, dans ce qui m'entourait. Je m'imobilisais, humant l'air autour de moi, les oreilles dressées mais gigotants de temps à autre, à la recherche d'un son incongru.
"Qui est-là ? " Pensais-je en fond de moi.