Dim 26 Juin - 14:52
L'amusement danse dans les yeux de Souad tandis que la petit renard du froid s'énerve contre elle. "Voilà un être bien étrange, il paraît aussi lisse que du sucre de l'extérieur, ne s'agitant que pour ses sempiternelles questions, mais il semblerait qu'il ait aussi du caractère." pense Souad. La personnalité des gens du Nord la fascinait beaucoup. Ils sont si différents d'ici. Les éthiopiens ont un rythme plus calme, ils se laissent bercer par le temps et la nature en regardant de loin ce qui arrive. Nous vivons dans un pays où la chaleur et la pluie règnent en maître, nous ne luttons pas contre ce que le destin nous amène. Mais le garçon, lui, semble de nature plus rebelle. Souad comprend cette attitude, qu'elle qualifie de source de jeunesse. Les enfants sont comme ça chez elle.
Azur en tarde cependant pas à intervenir pour apaiser son ami, qui préfère s'absorber dans les reflets de l'eau. La jeune fennec éclate d'une rire cristallin, telle une trille d'oiseaux moqueurs.
-Ton caractère est aussi mouvant que le sable sous le vent, mon jeune ami.
La voix de Souad était plus douce, mais ferme. Elle leur rappelait qu'il était certes le bienvenus dans son antre, mais qu'il ne devrait pas oublier qu'il est chez elle et qu'à se titre, il lui doit un minimum de respect. Elle ne connaît pas les coutumes du Nord, mais dans son pays, l'hôte est roi. L'étranger est reçu et honoré, mais on lui demande de respecter son bienfaiteur. Elle ne désire pas enfoncer le couteau dans la plaie, mais elle tient à lui rappeler sa place.
Tapotant du bout des doigts la roche humide où elle est installée, Souad réfléchit aux paroles d'Azur. La solitude oui... Elle le leur a expliqué. Elle n'avait aucune envie de rentrer dans les détails et de raconter comment son village l'avait chassé. Cele ne les regardait pas. En revanche, elle manifestait un vif intérêt pour le récit du rapace.
-Sommes-nous donc immortels ? demande t-elle vivement.
L'idée lui est neutre. Elle ne lui déplait pas mais ne lui plait pas non plus. Elle n'a aucune envie de vivre éternellement. Le monde est sûrement vaste, mais son jardin éthiopien lui convient parfaitement. Sortir de son pays la tentait et en même temps la rebutait. De même que toutes les informations qu'elle apprend sur son compte. Une créanne... Au fond, qu'est-ce qu'une créanne pour de vrai ? N'est-elle que ça ? Elle se disait, quelque part au fond d'elle, qu'elle n'aurait pas dû le savoir. Elle se sentait prisonnier d'une cage où son nom était écrit en lettres grossières, elle qui s'estimait jusqu'à présent libre. La connaissance a toujours un prix semble t-il.
La demande d'Azur est accueillie par un haussement d'épaules. Pourquoi en pas lui raconter après tout. Ceux qui désirent le savoir aiment se le voir offrir par quelqu'un d'autre. Son regard sombre se pose de nouveau sur eux et les englobe. Un fin sourire esquisse ses lèvres tandis qu'elle commence à raconter.
-Cette contrée est vaste, changeante, aux multiples facettes. Il y a des montagnes de verdure, d'autres arides. Il y a des déserts, ainsi que de grandes plaines fertiles. Des villes grouillantes de monde et des plateaux vides du moindre humain si ce n'est les rares bédouins qui s'avançent jusque sur nos terres, raconte t-elle d'une voix lente et posée.
Elle ne donnait pas réellement de détails car il n'y avait rien à dire. Parler d'un pays en détail est bien trop long, trop compliqué... et superficiel. S'ils veulent vraiment connaître sa maison, il doivent visiter par eux-même la contrée. On ne connait vraiment un endroit qu'à partir du moment où on l'a visité soi-même. La femme-rapace devrait comprendre le sous-entendu aisément, elle s'en doutait.
-Notre culture est différente. Nos pensées, nos choix, notre façon de voir le monde est à l'image d'un élastique : Nous sommes semblables mais à la fois terriblement éloignés.
C'est à ce moment précis que Souad se lève. Elle en avait assez de rester assise et ses jambes criaient à la marche. Elle esquisse quelques pas en direction de la rivière en contrebas, marchant sur les pierres du lit sans hésiter. L'autre côté de la rive était à peine distant de ses deux compagnons, ils ne pouvaient la perdre de vue et ils pouvaient tout aussi bien l'entendre que tout à l'heure. La nature était vivante, mais silencieuse dans ce microcosme. Souad posa doucement sa main contre un tronc d'arbre et inspira lentement à plusieurs reprises, avant de reprendre la parole.
-La nature est sauvage ici, nous ne la domptons pas car elle est aussi dangereuse qu'elle peut être accueillante. En regardant vos pays dans les livres, en vous entendant en parler, j'ai l'impression que la nature est oubliée chez vous. Vous faîtes parti d'un continent moderne, mais vous oubliez vos racines.
Un arbre sans racine est un arbre mort, ou destiné à l'être. Souad ne connaît pas le pays de nos deux aventuriers mais elle parvenait tout de même à l'imaginer suffisament. Elle était intriguée, pas follement attirée, un peu déçue aussi. Mais les deux individus respiraient une aura exotique qu'elle n'avait jamais ressenti. Elle se demandait, au fond d'elle même, ce que serait la vie loin de chez elle. Elle aimerait voir le monde, partir à la recherche de ce qui lui manque. Elle voudrait combler son coeur avec ce sentiment qu'elle ignore et qu'elle a tant de mal à trouver. Ce pays est-il la réponse ?
-Comment la vie s'organise t-elle dans un pays de glaces... pour nous, je veux dire, demande t-elle en tournant son visage serein vers eux.
Elle était curieuse, un peu. Elle souhaitait toujours en savoir plus mais elle n'aimait pas poser des questions. Cependant, elle n'avait pas non plus tous les jours des étrangers face à elle, des étrangers lui apportant des informations qu'elle n'aurait jamais découverte.