Lun 7 Juil - 13:03
Je reste bien fixe, droit comme un piquet, attendant qu'il recommence son délire. Parce qu'il y tient à cette histoire en plus, il insiste plus que jamais. Je vois que ça l'énerve de ne pas avancer, que je doute de lui aussi peut-être... Allez savoir! En tous cas, moi je cherche juste à comprendre le mec qui est en face de moi. Pour être honnête, je ne pense pas que ce soit un méchant fou. Il a des convictions un peu étranges, c'est tout mais à part ça, il semble aussi sain d'esprit que moi... ou n'importe qui hein! Seulement là, je ne plaisante plus vraiment. Je suis même diablement sérieux. Je n'ai aucun problème à l'accompagner (surtout si je peux enfin me mettre à l'abri du froid) mais si je fais ça, je veux être sûr qu'il pétera pas un câble en cours de route, avec un rire de fou furieux et qu'il commencera pas à me découper en rondelles. On voit ça dans de nombreux films, où le méchant prétend être un gentil et pouf! Plus rien!
Bon j'exagère un peu, je n'ai pas si peur de lui que ça, mais je suis quand même un peu dérangé. J'aimerais vraiment qu'il m'explique son délire, que je sache s'il est juste un peu secoué ou s'il s'est vraiment pris un coup de lune sur la tronche à la naissance. A le voir, il semble entrer dans un mode sérieux lui aussi. Il y croit vraiment à tout ça... Ça ne m'inquiète que davantage parce que, au fond, très au fond, j'ai quand même un peu peur que ce qu'il dit soit vrai. Et de sentir mon monde changer.
-Je suis on ne peut plus sérieux. Mais vu que tu n'as visiblement pas l'intention de parler en marchant -vu que tu n'as aucune envie de me suivre- je vais te montrer, et après on parlera en avançant ok ?J'acquiesce silencieusement, n'ayant ni l'aptitude ni l'envie d'ouvrir la bouche. Je me contente de le regarder droit dans les yeux. Je ne parviens même pas à le détromper lorsqu'il dit que je n'ai pas envie de le suivre. Ce n'est pas par manque d'envie mais plutôt de confiance... Je ne le connais pas et il me sort des trucs plus délirants les uns que les autres, avouez que ça vous donne pas envie d'y aller non plus quoi!
Il commence alors à m'expliquer un peu tout. Des dieux (rien que ça!), et en plus des Sumériens, qui vivent en ce monde, et qui appellent de jeunes humains pour des raisons,apparemment, mystérieuses. Pour que l'on devienne leur prêtre. Je prie une moue dubitative. Je n'ai jamais été féru de religion. Je sais que mon pays et ma culture font de moi un musulman mais je ne me considère pas comme croyant. Au grand désespoir de mes parents et professeurs, je ne croyais pas. Je n'avais pas besoin d'un homme imaginaire, quelque soit son nom ou le nombre qu'il soit, pour vivre ma vie et soutenir mon existence. Ces Sumériens dont il me parle, je les considère pareil, comme un tissu de légendes et histoires qui ont perdurées jusqu'à nos jours. Et encore... Je sais que la religion sumérienne n'est pas la mieux connue. Mais quoiqu'il en soit, cela reste une matière de croyance, et le mot prêtre me hérisse. Je me contiens difficilement, me contentant de le laisser parler afin qu'il termine son histoire. Je hausse les sourcils en entendant le mot "bonus". En fait, ce mec n'est pas fou mais un fanatique religieux... le spires à mon goût. Je ne peut retenir une mine crispée, qui ne cache en rien ma nonchalance. Je ne suis pas un croyant, je ne suis pas prêt de croire à des absurdités religieuses sans fondements.
Je me préparais à l'interrompre lorsqu'un phénomène étrange commença. Il me fixait avec des yeux absents, plus froids qu'il y a quelques instants. D'ailleurs, puisque l'on parle de froid, je sentis une sorte de chute de température dans l'air. Déjà qu'il faisait très froid pour moi, je ne pus m'empêcher de grelotter à nouveau, et de claquer des dents. Mais il n'y avait pas que ça. Plus que la température, je me sentais en danger, comme si tout à coup, ce n'était plus au mec sympa et encombré que je faisais face mais à un monstre gigantesque, prêt à m'avaler dans la seconde. J'avais beau tenter de me raisonner, cette impression s'accrochait au plus profond de moi. C'est là que tout se produisit. Moi qui gardait mes yeux rivés dans les siens, je ne pus m'empêcher de les en détacher pour fixer ses mains. Une brume noire les enveloppait, grignotant petit à petit tout son corps. Dans ce brouillard opaque, jaillit une sorte de tentacule monstrueux, qui me fit frissonner. De surprise, et peut-être un peu de peur, je lâchais un petit cri et tomber en arrière, directement sur mes fesses, dans un réflexe de protection. S'éloigner de cette chose. Mais aussi vite qu'elle était apparu, le tentacule s'évapore ainsi que le brume qui commençait à recouvrir Renzo. L'impression de danger me quitta et je pus même ressentir un peu de chaleur à la disparition des ces ténèbres.
Je l'entendis me parler mais je ne réagis pas immédiatement, tentant d'assimiler petit à petit ce qui venait de se passer. Tentant surtout de reprendre pied avec la réalité. Ce qui vient de ce passer, dans ma réalité, ça n'existe pas. Il n'y a pas de dieux ou de pouvoirs étranges que l'on obtient grâce à leur aide. C'est impossible. Et voilà qu'il débarque pour tout chambouler.. Et encore chambouler ? Je devrais dire plutôt détruire, casser, démonter pièce par pièce chaque base que j'avais érigé dans ma vie. Pour la première fois depuis longtemps, j'étais un peu perdu.
C'est en relevant la tête, en croisant le regard de Halloween, que je recommençais à penser normalement. Il avait perdu ce halo glacé et silencieux qui me donnait cette impression d'avoir la mort en face de moi. Il était en quelque sorte redevenu le timbré à qui je parlais quelques secondes auparavant. Sauf que mon regard sur lui avait changé. Un peu. Pas tant que ça en fait. Je me relevais d'un bond, secouant mes habits couvert de neige et de saletés.
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Ben je peux pas dire que tu m'as pas foutu la trouille...C'est vrai, ce serait un gros mensonge que de dire que mon courage m'a protégé de ces supers ténèbres glacées aux tentacules plutôt agressifs. J'ai eu peur, très peur même. Et au-delà de ça, mes convictions avaient été ébranlées. Profondément. Je ne savais plus très bien à quoi me rattacher. Malgré tout, j'étais un garçon qui s'adaptais facilement. Je sais bien que je finirais par accepter tout ça.
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Mais en même temps, c'était vachement cool! Et puis ça renforce un peu ce côté mort-vivant, avec la brume noire et tout. Ça fait très... nécromancien, dis-je avec un grand sourire, en lui donnant un gentil coup de poing sur l'épaule.
Je sais que ça très idiot, mais dans la plupart des cas, c'est mon naturel joyeux et optimiste qui m'a permis de me ressaisir. Comme maintenant. Bien sûr, je ne dis pas que je suis particulièrement bien avec tout ça, que tout va bien et qu'il n'y a aucun problème pour chambouler ses convictions... Loin de là. Mais je crois que seul le temps et l'habitude m'y aideront. J'aurai largement le temps de réfléchir à tout ça lorsque je serai à la congrégation. J'imagine que je ne suis pas le seul dans ce genre de cas...
Nous avions recommencer à marcher entre-temps, jusqu'à que je finisse le tri dans ma tête. On entendait que le craquement de nos pas et le hurlement du vent dans nos oreilles, lorsque je me décidais à briser ce silence pesant. Je sortis de mes méditations, le regard fixé vers l'horizon.
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Si tu savais toutes les questions que j'ai en tête! Comment tu as fais ce que tu as fais ? C'est qui ou quoi ces dieux ? Est-ce que tous les "bonus" sont du même genre que le tien? Et puis aussi, surtout, SURTOUT, pourquoi moi ? Je secouai la tête avec force, chassant toutes les pensées qui s'y affolait. J'offris un sourire un peu penaud à Renzo.
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Désolé, je suis encore un peu sous le choc..., dis-je en me frottant l'arrière du crâne.
Continuant de marcher, je devinais qu'il n'apprécierait pas sinon, je contemplai les nuages qui filaient dans le ciel, comme pour y rechercher une soudaine inspiration. Un calme nouveau. Je repris alors la parole, plus posément.
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M'enfin faut bien avouer que c'est un gros morceau que tu m'as donné à avaler là... Comment tu as réagi toi la première fois?, demandais-je avec amusement.