Sam 16 Avr - 15:06
Mains dans les poches de mon jean, une pancarte fixée à une ficelle retenue par mon cou, j’attends. Et je me sens désespérément stupide avec cette pancarte, plantée face à la porte vitrée d’où sortaient les passagers venant de Suède.
Avec un soupir, je passe une main dans mes cheveux, tout en vérifiant l’aura d’une personne fraichement arrivée non loin. Humaine. Bien. C’est long et fastidieux de vérifier les auras des gens afin de s’assurer qu’aucune créanne ne traîne dans le coin. Si encore j’avais pu en vérifier plusieurs d’un coup, mais non ! Je ne pouvais me concentrer que sur une personne à la fois. Je vous laisse imaginer le monde qu’il y a à l’aéroport Charles de Gaulle, hein. Et d’ailleurs, tant qu’on y est, j’ai une migraine qui commence à me chatouiller les tempes, étant donné que ça fait trois jours que je dois me concentrer constamment pour surveiller les alentours. A la Congrégation j’ai pas besoin de faire ça… M’enfin.
Me voici donc en mission. Je n’en avais plus eu depuis… depuis l’épisode avec Ren-papillon et Nabouh, où on avait été voir ce vieux monsieur, ce créateur, pour lui poser des questions. En fait, c’était la première fois qu’on m’envoyait en mission seule, depuis ma mission de passage à prêtre-roi. De fait, je crains un peu le pire. Enfin ! Positivons ! Au moins, je ne suis pas dépaysée. La France ! C’est pas si loin de la Suède ou de l’Angleterre. Et puis je parle français ! Bon pas hyper couramment, mais je parle français ! Donc déjà c’était un bon point pour moi.
Cette mission, elle avait pas commencé là, dans cet aéroport.
Petit un, il a fallu que je retienne chaque étape de cette fichue liste que M’sieur Hills m’avait filée. Et il y en avait beaucoup.
Petit deux, aller faire un tour à la bibliothèque (et prendre un café avec Monsieur Fray au passage), puis négocier vols, hôtels, et tout et tout. Misère, que c’était compliqué. J’ai une tête à avoir l’habitude de réserver des hôtels ? Quand j’avais débarqué à Stockholm, c’était mes parents qui s’étaient chargés de tout. Mais là, j’ai l’impression de grandir d’un coup… ahah. Prendre des responsabilités ? Va savoir si je m’y prends correctement ou pas. Faut dire que la madame de l’accueil m’a bien aidée. Enfin elle m’avait donné un certain budget pour réserver les hôtels –ouais, les hôtels avec un « s ». J’ai juste grave bugué au début parce que je comprenais pas pourquoi mais bon-. Donc avec le budget, plus certains hôtels qui pouvaient pas fournir des chambres communicantes pour ces jours-là, ça me réduisait pas mal le champ des possibilités, et du coup j’avais pu dénicher trois hôtels comme ça. Ça suffira bien je suppose, hein…
Petit trois, une fois sur Paris –petit coup d’œil sur la liste-, « sécuriser le périmètre ». Euh, OK ? Comment on sécurise un périmètre ? Du coup je crois que cette partie de la mission est un peu bancale. J’ai tâché de surveiller les quelques créannes que j’ai pu croiser, j’ai rien constaté de vraiment anormal. OK… OK. Bon. A voir.
Petit quatre, -nouveau petit coup d’œil à la liste-… MAIS EUUUH WHAT ?! J’avais louché sur les mots « macarons », « champagne », et « canard en plastique ». Ainsi que « à 12 centimètres du robinet d'eau côté droit ». Vas-y mais il sait combien ça coûte des macarons ?! Et puis quelle utilité ! Pff ! Je n’avais pas pu m’empêcher de hausser très haut un sourcil. Genre. Pourquoi. Et puis le canard en plastique ? Un petit « tss » sifflé entre mes dents m’échappa. Ah, avec cette étape j’ai l’impression de perdre mon temps et mon argent. Bon. Une mission est une mission, hein. J’avais juste ajouté ma petite touche de fantaisie –on ne change jamais une Lynn Hiems, s’il vous plaît-, j’avais juste fait apparaître sur une chaise une peluche de Minion –oui, les bonhommes jaunes à lunettes dans Moi, Moche et Méchant. Sourire satisfait. Allez, une touche enfantine jusqu’au bout, ça fait toujours rire –en espérant que le monsieur a un minimum de sens de l’humour-.
Petit cinq. Alors là. Le coup de la voiture. On me demande d’aller sur place, pour dire au chauffeur d’aller à l’aéroport, pour que je me rende moi-même à l’aéroport en prenant le bus au final. Ça aurait été vingt fois plus rapide de lui passer un coup de fil, sauf qu’à la Congré’ ils ont bien pris soin de ne me fournir aucun numéro de téléphone. Merde, hein.
Bon. Petit six, me voici donc à l’aéroport, avec cette magnifique pancarte ornée de ma si belle écriture.
Et c’est qu’il prend son temps le monsieur… alleeez, on ne fait pas attendre une demoiselle !
Puis alors mon sang se glace, le temps d’une seconde. Un type qui dépasse tous les autres d’une bonne tête, des cheveux noirs. Ah c’pas vrai, on me fait si peu confiance qu’on m’envoie un prof’ pour me surveiller ? Rah, c’est vexant ça ! Je me pince les lèvres. M’sieur Hills en plus. C’était probablement un des premiers gens de la Congrégation que j’avais rencontré. Dans un bar, en train de noyer sa fatigue dans l’alcool avec son frère. Autant dire que j’ai eu envie de rire quand j’ai appris, plus tard, après avoir été appelée par Enlil, qu’il était un des prof’, et Emissaire de Nin Hursag.
Il était puissant aussi. Normal, pour un Emissaire en fait. C’est pourquoi, y a pas si longtemps que ça, j’ai voulu lui soutirer des conseils. En combat, principalement. Parce que merde, c’est pas que les mannequins de la salle d’entraînement ne bougent pas et que du coup c’est facile de les atteindre avec une arme, mais quand même. De fait j’sais même pas si ce que je fais sert à quelque chose, et ça m’énerve au plus haut point. La seule chose que j’ai pu constater, c’est que les objets que je créé durent plus longtemps, et que je suis capable de créer plus de détails.
Bref. Je hausse un sourcil quand il se plante devant moi.
— Apoplexie.
…
ALORS DEJA CE MOT DE PASSE EST HYPER BIZARRE. Glauque.
J’entrouvre la bouche, surprise.
— Vous… je… quoi ?! C’est une blague ?
J’ai envie de me claquer la tête contre un mur. Je dois escorter mon prof ? Ils sont sérieux ?!
Bon. Je m’efforce de peindre à nouveau un air impassible sur le visage. Allez. Une mission. Une MISSION. Faut que je la mène à bien, parce que ça ne peut que me permettre de progresser ; hors de question que je reste derrière l’autre –Tyarisse de son prénom- là. Et puis aussi parce que c’est juste… mon devoir envers la Congrégation (même si on me demande d’escorter mon prof’).
Allez, Lynn. Prends des initiatives.
Sourire un peu crispé, puis m’empare de la poignée de sa valise. Allez, dans ma grande bonté je vais la faire rouler jusqu’à la voiture. Je tâche de surveiller comme je peux les auras autour de moi, mais bordel j’ai mal au crâne…
Le chauffeur se charge lui-même de lui tenir la porte, puis de hisser ses affaires dans le coffre –j’crois qu’il a eu pitié de moi… hé c’pas ma faute si j’ai pas vraiment de force dans les bras-. Je ne peux m’empêcher de glisser à Jake, un demi-sourire amusé aux lèvres :
— Faites attention à votre tête en entrant.
J’suis sûr que son crâne touche le plafond de la voiture. Non mais pour voyager lui il aurait besoin d’un camion… ça doit pas être facile tous les jours. Pauvre monsieur.