Anselys fait partie de ces personnes qui n'attachent pas grande importance à leur apparence physique étant donné qu'elle se montre rarement devant des gens sur lesquels elle serait susceptible de laisser une quelconque impression. Mais si l'on rentre dans les détails, et si vous voulez tout savoir - ce dont je ne doute pas - voilà ce qu'il vous faut.

  Anselys est une jeune fille d'un mètre soixante-sept environ pour cinquante huit kilos. Elle est plutôt bien proportionnée et n'a rien à envier aux filles après lesquelles courent les garçons ; en fait, elle en ferait plutôt partie. Une peau légèrement hâlée, ni bronzée ni pâle, de longs cheveux teintés de rouge qui lui arrivent dans le bas du dos et dont elle ne prend pas grand soin, - bien qu'ils fassent partie de ses fiertés, - des lèvres fines mais pulpeuses sur lesquelles traîne toujours un sourire narquois et enfantin et des yeux verts émeraudes qui pétillent de curiosité et d'intérêt qui attirent les jalousies. Son oeil gauche est barré d'une cicatrice qui lui part du front jusqu'au milieu de la joue - souvenir de sa naissance - mais cela ne la gêne pas et contribue même à son charme. Malgré les apparences, Anselys est plutôt musclée, preuve de ses courses et de ses grimpettes un peu partout, un peu tout le temps.
  Si l'on se penche un peu plus près sur le rapport physique/psychologique de notre chère créanne, quelque chose peut sembler dérangeant. En effet, malgré ses seize ou dix-sept ans d'apparence et son corps mature, sa façon de penser reste celle d'une enfant de onze ans. Ne vous laissez donc pas surprendre par son immaturité et sa manière d'agir si vous croisez son chemin - que les dieux vous en gardent, - surtout si vous n'êtes attirés que par son apparence.

  ~ Mais passons aux choses sérieuses. Vous vous demandez sûrement quel genre d'animal pourrait bien correspondre à cette chère Anselys, eh bien je vais vous le dire : les choses sont ainsi faites que la forme animalière qui lui a été attribuée n'est autre que celle d'un écureuil. Un joli petit écureuil. Un mignon petit écureuil. Vous savez, ce genre d'animal qu'on ne voit que rarement mais dont on cherche sans cesse la présence après l'avoir aperçu. Je trouve que cela lui correspond plutôt bien. Curieux mais timide, espiègle mais mignon, agile et effrayé.
En fait, c'est tout à fait elle.

  Vous l'aurez compris, Ansy est une jeune fille qui sort de l'ordinaire par son apparence presque mature mais sa manière de penser bien à elle. Contraste des plus surprenants. Elle aime se faire discrète, mais déteste que les autres le soient - et pour cause - car pas de curiosité sans présence, après tout. Dans ses bons jours, elle est ce que certains appellent "une fouineuse" - ou une sale gosse pour les intimes. - Elle se contente de rester à distance, d'épier, de surveiller tout son petit monde. Puis elle oublie, et elle recommence. C'est ce qui fait son existence, c'est ce qui l'anime. C'est plus fort qu'elle, il faut qu'elle sache tout, qu'elle voit tout, qu'elle analyse la situation toujours avec le même petit rire satisfait - pour ne pas dire sadique -. Elle connait ainsi la vie entière de personnes dont elle ignore le nom, ces mêmes personnes ignorant sans doute son existence. On la surprend parfois à tendre l'oreille, tapie dans un coin, cachée derrière un arbre. Elle se volatilise alors comme par magie pour réapparaître un peu plus loin, un sourire innocent sur les lèvres.

  Elle est espiègle, mais n'en reste pas moins une jeune fille sociable, vivante, amusante et amusée. Elle aime être entourée de vie, et elle aime partager sa joie de vivre - et c’est le plus important. - Rares sont les moments où on la croise déprimée.
  Enfin, il est dit que les enfants sont de nature curieuse, mais peut-être que la curiosité d'Anselys est différente. Qui sait ? Peut-être est-elle seulement inconsciente, peut-être aime-t-elle apprendre des choses. Ou peut-être n'a-t-elle rien d'autre à faire, rien de mieux pour s'occuper. Mais dans son for intérieur, elle ne fait que se jouer des mortels.
Car une chose est sûre, pour elle, la curiosité est tout, sauf un défaut.

  - Quant à sa relation avec les Dieux, et dans ce cas précis par rapport au sien, elle est un peu.. disons indécise. Car certes, comme toutes les créannes, elle n'a pas demandé à naître, et, comme toutes les créannes, il serait bien naturel qu'elle haïsse son créateur. Cependant il se trouve qu'elle s'amuse bien dans ce monde, et que la vie ne lui semble pas si déplaisante. De plus, Enlil ne semble pas vraiment s'en préoccuper, alors à quoi bon se charger de haine ?

  Tout le monde fait des erreurs. Les enfants, les adultes. Tout le monde. Même les dieux.

  Je dis ça, parce que ce qui est arrivé ce jour là n'aurait jamais du arriver. Je dis ça parce que ce qui a été créé ce jour là n'aurait jamais l'être. Je dis ça parce que c'était une erreur.

  Il faisait presque jour lorsque Anselys ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans un endroit dont elle ignorait tout, dans un monde dans lequel elle avait été projetée ce jour là, sans aucune raison apparente, sans avoir rien demandé.
Elle avait froid. Du moins, elle pensait avoir froid ; pas de chair de poule, pas de frissonnement, pas de dents qui claquent. Elle pensa que ce serait bien d'être au chaud, et elle découvrit son apparence animale. L'écureuil. Elle fut tout d'abord étonnée, puis en colère, puis curieuse. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait ici, ni comment elle y était arrivée. Tout ce dont elle se souvenait, - comment d'ailleurs ? D'où venait ce souvenir ? Ne venait-elle pas de naître ? - était le visage d'un homme, et son prénom : Enlil. Un homme.. un dieu peut-être. Comment pouvait-elle le savoir ? Était-ce celui à qui elle devait la vie ? Lorsqu'elle y pensait, elle ne voyait que de l'amusement, de la curiosité. C'est ça, de la curiosité. Trop de curiosité. Cela l’écœurait. Pourtant elle s'y sentait liée, et contre son gré, elle voulait savoir, elle voulait trouver, chercher, épier. Elle avait besoin de ça pour vivre.

  Elle apprit plus tard que cette terre qui l'avait accueillie s'appelait l'Islande, et elle y resta quelque temps, puis décida de partir. Elle voyagea un peu partout, ne sachant ni ce qu'elle cherchait, ni ce qu'elle trouverait. Elle pensait toujours à Enlil, mais lui ne pensait pas à elle. Elle se sentait abandonnée, frustrée. Elle grandit en solitaire, puis arriva dans un endroit qu'elle apprécia. Beaucoup de gens, beaucoup d'histoires. Beaucoup de secrets. Elle aimait ça, les secrets, elle se sentait puissante en les apprenant.

  Elle passa quelque temps dans cet endroit dont elle ignorait tout, et elle apprit à s'amuser elle aussi, à rire, à plaire, à jouer. Sa colère envers Enlil s'échappa peu à peu, elle ne s'ennuyait plus, elle ne lui en voulait plus autant. En fait, elle se plaisait bien dans ce monde. Elle faisait attention à ce que personne ne la connaisse vraiment, tout en connaissant tout le monde. Elle découvrit certains plaisirs, en condamna d'autres. Elle pensait parfois à son dieu, cherchait à le haïr comme elle avait vu d'autres comme elle le faire, mais elle ne parvenait jamais à trouver en elle ni le sentiment ni les causes nécessaires à un tel rejet, si bien qu'elle finit simplement par accepter son destin et celui qui le lui avait offert. Puisqu'il ne se préoccupait pas d'elle,  pourquoi devrait-elle se soucier de lui ?

  Anselys voulait des réponses et les trouvait toujours. Elle préférait sa forme humaine, mais passait le plus clair de son temps dans sa forme animale. Plus rapide, plus mignon, plus petit. Plus pratique. Et puis elle avait l'impression qu'on la remarquait plus ainsi : les enfants la cherchaient, la pointaient du doigt, les adultes s'étonnaient, souriaient. Anselys était une enfant joviale dans un corps mature. Elle pensait plutôt bien cependant, et était consciente des dangers qui l'entouraient et de l'effet qu'elle faisait à certains - si vous voyez ce que je veux dire. -. C'est pourquoi elle évitait de trop se montrer sous sa forme humaine. Le monde qui l'avait accueilli lui paraissait de plus en plus intéressant.
  Elle avait enfin trouvé sa place et ne l'aurait perdue pour rien au monde.
  Elle avait presque envie de remercier Enlil.