Age: Pff... Vous croyez que je compte peut-être ?
Nationalité: Sumérien, bien sûr.
Classe: Dieu. Et oui, j'ai la classe !
Pouvoir: La Lumière et la Justice.

   

   

Utu ? Comment décrire Utu... Il est grand. Son âme survole les montagnes et son corps illumine les yeux des jeunes filles, faisant battre leur cœur un peu plus fort. Apollon, on dirait Apollon, cet éphèbe fin au regard pétillant, or ou rouge, selon les humeurs ou les moments de la journée. Il a été Apollon, d'ailleurs. Ses muscles tendus sur sa peau le rende séduisant, il est fin, élancé. Tout chez lui rappelle la beauté d'un Soleil couchant et la nostalgie des premiers amours sur la plage.
Mais ce qui est peut-être la plus belle preuve de son statut divin chez lui est sûrement ses cheveux. De magnifiques fils d'or au matin, blonds très pâle, comme une couleur naissante, parsemée d'un rosé doux. Au moment où il est le plus haut, au sommet de sa magnificence, ils arborent des tons rouges vifs, amour ou guerre ? Il se réserve le droit de savoir. Au soir, il pare le ciel de rose, d'orange, de bordeaux pour annoncer la Nuit, tels des draps tendus pour refléter la beauté du monde. Ses cheveux sont ainsi également.
Tout chez lui respire la puissance de son royaume. Ses apparitions se font tels les astres qui  descendraient sur terre, des filets de lumières aussi fins que des doigts de fées qui se rassemblent pour former l'être sublime, l'être parfait.
Je suis cet être. Et si je veux je parle de moi à la troisième personne.

   

Je suis beau. Comment ça c'est pas moral ? Ha, vous êtes embêtants. Si j'enlève mon apparence physique, il n'y a rien de beau chez moi. Enfin presque rien. Je suis un être attachant et attaché, possessif, si vous voulez. Mais mon lien avec les humains est assez ambiguë. Je ne pourrais pas dire si je les aime ou les hais, après tout ils n'ont rien fait... Je suis juste jaloux. Jaloux de leur franchise et de l'attention que nous pouvons leur porter parfois, au détriment de nous.
En tant que personnalité représentant la Justice, je suis juste. Ou suis censé l'être. Je fais des efforts pour être toujours à la hauteur de mon statut, c'est à dire celui de Dieu. Que croyez vous, qu'il suffit d'avoir des pouvoirs tout puissants pour que le monde vous obéisse ? Non. Tous les jours, je fais le tour de la terre, je cours pour vous apporter la lumière, et c'est de loin ma plus grande preuve d'amabilité. Je suis jovial et avenant, gentil, souvent hyperactif, comme un enfant, mais sais me montrer mature et responsable dans les situations qui nécessitent mon jugement. Enfin j'essaye.
J'aime montrer un visage sûr de moi, fougueux, un poil narcissique -à peine !- et sachant sachant user de l'humour dans les pires situations. Mais même ça, ce n'est plus très vrai. Les erreurs peuvent détruire une personnalité, vous savez. L'indécision me caractérise désormais. La culpabilité ronge chacun de mes gestes.
Je ne sais pas assumer, c'est trop lourd.

   

L'inconvénient quand on est Dieu, c'est qu'on peut pas démissionner. On peut pas tout claquer d'un coup et dire « Fuck, j'ai pas que ça à foutre ! ». C'est donc pour ça que je me retrouve à régler des affaires ennuyeuses au troisième degré, comme par exemple ces deux Dieux mineurs qui se battaient pour l'appartenance d'un fleuve de moins d'un mètre de large. Certes, Enki était sûrement beaucoup trop occupé pour s'en charger et certes, j'étais le dieu de la Justice, mais est ce que j'étais VRAIMENT obligé d'écouter pendant plusieurs heures les plaintes de ces abrutis pour au final aboutir sur un verdict déjà fixé depuis les trois premières secondes ? Au final, je n'ai absolument rien fait de ma journée européenne et la nuit va bientôt tomber sur Stockholm.
Avec un sourire, je me dirige vers le royaume qui est mon opposé. Dans ces circonstances, il n'y a qu'une seule personne capable de m'entendre me plaindre et me remonter le moral, rien que par sa présence. Dans un petit flash lumineux, je foule le sol poussiéreux de son domaine. Il est là, quelques pas devant, assis sur cette immensité plate et pâle, méditant sûrement dans cet endroit hors du temps.
J'arrive en sautillant et m'affale à plat ventre à côté de lui.
_ Pffff ! Il n'y a pas plus épuisant que de départager deux dieux mineurs ! Et toi, ça va la journée ? Ou la soirée plutôt...
Je contemple du coin de l’œil ses cheveux noirs de jais, longs, qui semblent suivre un vent inexistant, son visage fermé et en même temps si sage et calme. Ce devrait être lui, le Dieu de la Justice, pas moi. Il laisse entrevoir un sourire fatigué. Ben dis donc, ça a pas l'air d'être la forme...
_ Il n'y a pas de soirée ici, Utu.
Je n'aime pas le voir avec cet air. On dirait qu'il porte sur son dos toute la souffrance de cet univers. J'aimerais qu'il me dise ce qui ne va pas, qu'il se repose sur moi, mais je ne suis pas sûr de pouvoir l'aider. Je ne suis pas assez fort. Je ne pense pas pouvoir imaginer quel poids c'est d'être le pont entre deux univers. Alors puisque je ne peux pas l'aider, qu'il sourie. Qu'il se sente bien maintenant, avec moi. C'est ce que je lui souhaite.
Je me retourne sur le dos en rigolant, cachant mon inquiétude.
_ Ben dis donc, je ne te savais pas si pointilleux ! Comment tu fais pour dormir ici ?
Deux phrases sans aucun rapport, inutiles en soi, qui j'espère l'éloigneront de ses tracas, même pour une seconde... Son rire clair rempli mon cœur d'une joie certaine.
_ Ben j'appelle un lit, il arrive et je dors.
Je lève un sourcil, me retenant de sourire comme un idiot. Pourtant je voudrais, je voudrais lui montrer que je suis heureux. Je me sens vide, bien, mes soucis se sont envolés, loin, et leur trace disparaît sur l'horizon de ma mémoire. Je veux juste être avec lui. Rien de plus.
_ Haha, très drôle. Non mais je veux dire que pour un Dieu de la nuit, on te voit pas souvent en train de te reposer...
_ C'est normal, je dors quand toi tu bosses.
Je m'agite sur le sol pour e retourner, comme un gamin mal à l'aise ou un phoque sur une banquise.
_ C'est sympa de sentir soutenu ! lui lançais-je d'une voix faussement mécontente.
Il me sourit ironiquement, avec cette petite pépite dans les yeux, cette pépite maligne qu'il ne montre qu'à moi...
_ Si tu veux changer ça, on pourrait aller voir papa ?
Je m'immobilise. Mes yeux fixent l'horizon, dans le vague. Pourquoi dit-il ça ? Pourquoi voudrait-il rompre le lien qui nous lie au point d'en parler à An ? Je sais bien que c'est dur d'être liés tous les deux, de ne pouvoir exister l'un sans l'autre, mais... En a-t-il assez de ce jeu ? Ce jeu de la course du Soleil et de la Lune ? Nanna est une personne subtile, ce qu'il dit pour rire ne peut pas en être pris comme tel. Cette pépite dans ses yeux... Espère t-il que je le lâche ? Que j'accepte de briser le lien, pour qu'il soit enfin libre, plus rattaché à l'idiot que je suis ? Je ravale ma salive. Alors je suis le seul de nous deux qui se sent bien avec l'autre ?
_ Ouais...
Silence. Ce silence est lourd. Je ne l'ai pas convaincu, même moi je n'ai pas mis de force dans ma voix. Je ne veux pas être séparé de lui, c'est égoïste mais c'est comme ça. Mais si il me hait au point de souhaiter me voir partir... Je le sens se retourner, chercher mes yeux fixés sur un point imaginaire, loin de lui, loin de cette question qui me gène.
_ Penses tu qu'il y ait quelque chose de plus important pour moi que notre relation ?
Pourquoi parle t-il comme ça ? Pourquoi cette question, maintenant ? Alors il y pense sérieusement, à me quitter ? Cette question me serre le cœur, elle me fait mal. Je n'y ai jamais pensé. Est ce que Nanna chérirait quelque chose dont je ne serait pas informé ? Me tiendrait-il à part d'un de ses secrets ? Est ce que je pense qu'il y a quelque chose qu'il aimerait plus que notre relation ? Les hommes ? Car les Dieux l'ont délaissé, abandonné à cause de son rôle ? Je ne connaît pas la réponse à sa question. Je ne sais pas. Chercherait-il à me faire comprendre que justement il y a quelque chose pour laquelle il serait prêt à partir loin de moi ?
_ Heu... Je sais pas. (Je marque une pause, ne sachant quoi ajouter, puis mon sourire grandit) Tes cheveux peut-être ?
De l'humour, toujours et encore détourner les conversation, donner un peu de répit à cette échéance qui finira par arriver. Espérer qu'il oubliera son idée de me laisser derrière lui, même si c'est impossible. Pourquoi ces moments ne pourraient-ils pas durer ? Mon ami se passa une main sur le crâne en soufflant.
_ T'es un vrai gamin...
Oui, je suis un gamin. On n'abandonne pas les gamins, pas vrai ? Je grimace pour lui donner raison, rien qu'un peu. De toutes façons, il sait que je ne répondrai pas.
_ J'aime pas te voir avec cet air sérieux... On dirait un grand père tout ridé...
Pause. De nouveau, le silence rempli l'espace vide, angoissant, s'infiltrant dans chaque parcelle de mon être. Ne reviens pas sur le sujet. Fais de l'humour, ne me reparle pas d'un départ imminent, s'il te plaît. Pas maintenant, alors que tout va si bien et que tout est si beau. Je me remets sur le dos et le regarde, ces yeux noirs dans les miens dorés, les siens infiniment plus profond et tristes.
_ Allez Sín, fais pas la tête, c'était pour rire !
Ne dis pas que tu pars. Pas maintenant.
_ Je voulais juste que tu saches... (Ne le dis pas, s'il te plaît) que tu prends au moins autant soin de tes cheveux que moi !
Le soulagement me libère de mes chaînes. Il me prend l'envie de voler, de faire le tour de cette terre. Non, il ne me quitte pas tout de suite. Nous sommes biens, dans un royaume infini, deux Dieux en train de se détendre, rien de plus. Je ne peux m'empêcher de sourire. Comme un con.
_ Normal, les miens sont magnifiques !
Il me lance de la poussière à la figure.
_ Quel crâneur, petit frère !
Je me redresse et secoue la tête pour enlever la poussière, ma vitalité retrouvée.
_ Qui est petit ?!
Je lui renvoie un gerbe de poussière. Comme deux enfants, comme ceux gamins, comme toujours depuis notre naissance. Tout va bien. Mais pour combien de temps encore ?

♣

Je me souviens encore de ces moments de plaisirs, ces moments de bonheur.
A l'heure où j'ai fait la plus grosse erreur qu'il m'était possible de commettre. Risible, n'est ce pas ? La culpabilité ronge mon être à petit feu, à moi le dieu magnifique qui illumine le monde, celui qui se dit le plus beau. Mais les souvenirs sont affreux. Alors certes, je pourrait dire que j'étais jeune, et me pardonner ainsi. Que j'étais jaloux, ou bien impulsif. Mais ces maigres consolations ne sont pas son pardon. Or c'est ça qu'il me faudrait.
Lors de la naissance des fils et filles de An, chacun se retrouva contraire d'un autre.
Qui aurait pu dire que deux contraires s'entendraient à merveille, dans la plus parfaite harmonie présente chez les Dieux ? Alors que les frères et sœurs humains ne cessaient de se battre ? Personne n'aurait pu le dire, c'est pour ça que nous étions exceptionnels.
La Lune et le Soleil. Nanna et Utu. Sín et Shamash.
Lui qui illuminait les horreurs des hommes, leurs cauchemars les plus sombres, jamais je n'ai vu d'âme plus juste. Moi qui me contente de leur donner la lumière qu'il faut pour les éclairer, leur cacher leurs défauts, mon rôle était si léger et si lourd. Si simple que je l'ai raté.
Liés par le destin, pour toujours ? A se haïr ou à s'aimer ?
Je voudrai n'avoir rien fait. Être le Dieu crâneur qui va le voir dans son royaume, le taquiner, l'enfant qui lui fait oublier les horreurs qu'il voit, qu'il subit, pour un instant. Mais maintenant ? Je suis le traître. Le paria pour lui, le Juste pour les autres.
Quand je me couche, il vient...
Je ne veut pas être le Juste, je ne le suis pas. Je m'en fout d'être respecté des autres, je voulais juste son regard, son regard calme, amusé, animé de plaisir. Aujourd'hui il est noir, de haine, de froid, la colère anime chacun de ses mots, chacun de ses gestes à mon égard. Pourquoi le Soleil et la Lune ne pourraient-ils pas s'entendre ? Comment de l'amitié peut-on passer à la haine, si facilement ?
Si fragile est le fil du destin.
Les souvenirs sont affreux.

 
 
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