Ce corps douloureusement acquit est celui d'une femme. Fauve se trouve – et se préfère surtout – quelconque, banale. Une créature parmi tant d'autres qui cherche encore sa place. La Créanne se fond dans la masse et évite – non sans mal – de ne pas faire de vagues. L'Égyptienne – car c'est ainsi qu'on la surnomme en ces terres – fait environ un mètre soixante-sept. Son poids – si tant est que cela vous intéresse – est comparable à une plume. Légère. Un teint mate. Quelques cicatrices parsemées ça et là. Trophées – rarement exhibées – de ses précédents combats. Tantôt chasseresse, tantôt proie. La Créanne – en un mot – est un fauve. C'est Fauve.
Toute en muscles. Élégante sauvagerie. Volupté et grâce transpirent à chacun de ses pas. Une danseuse. Un animal. Les deux à la fois, peut-être bien. Notre Fauve n'en a que faire au final. Visage aux traits doux et fins. Pommettes hautes et nez grec. Lèvres fines et – jusqu'à lors – rarement habitées par un sourire. Un regard. Iris aux couleurs de l'aube. Reflet de sa personnalité. Incomplète et égarée. Fauve l'Écarlate. Ses cheveux – parure des Dames – aussi flamboyant que son regard. Et – parfois – tout aussi indisciplinés que notre animal. Peu importe. Mains dites de pianiste. Doigt longs et fins. Des ongles. Des griffes. Difficile à dire. Ici – comme ailleurs – le poids des âges n'a et n'aura jamais sa place.
Ce corps est éternel. Figé. Un cadeau de son Dieu. Un cadeau empoisonné. Qu'elle le veuille ou pas. Fauve dégage un certain magnétisme, une aura. Attrait propre aux étrangères. Qui sait. Fascination et crainte se mêle aisément avec elle. La prudence reste – et restera – de mise auprès d'elle. Fauve n'a que faire de son style vestimentaire. Sobre et confortable, voilà ce qui l’intéresse. Sans artifice. Un tatouage – au yeux des hommes – cela dit. Tâches de jaguars ornent ses omoplates et suivent toute son épine dorsale.
Fauve – sans mauvais jeu de mot – est un fauve. Lorsque l'animal prend le pas, c'est sous la forme d'un léopard que la Créanne se présentera. Bête imposante et effrayante. C'est en ultime recours – et par soucis de discrétion – qu'elle en fera usage.
Fauve est incomplète, imparfaite. Difficile en seulement deux ans de connaître l'Homme et – surtout – ses travers. Sa personnalité se révèle avec le temps, mais c'est un travail de longue haleine et la Créanne manque cruellement de patience. L’Égyptienne est – en toute logique – une solitaire. L'Homme – en un sens – l'effraie. Comme l'Inconnu effraie les Mortels. Il s'en résulte des apparitions fugaces, mais selon elle nécessaires. Au final on ne sait rien d'elle. Fauve reste une étrangère. Une vie d'errance. Une vie d'anonymat. Fauve est celle qui se fond dans la masse dans un monde qui ne lui appartient pas.
Fauve est un animal, la vive tempête qui succède au calme. En ce monde il y a des règles et même si – petit à petit – la Créanne s'en imprègne, rares sont celles qu'elle respecte. Le Fauve s'impose. Peu importe l'art ou la manière. La vie humaine et ses valeurs n'ont que peu d’intérêts. Comme la sienne l'a été aux yeux de son Dieu. Inavouable et inavoué Maître. Fauve le déteste autant qu'elle l'aime. Lui souhaite mille morts tout en lui restant fidèle. L'animal ne serait rien sans lui... Et n'est rien avec lui. De ce Dieu elle n'en envie pas la place. Elle ne cherche qu’approbation à son existence et ses bonnes grâces.
Sa confiance vous ne l'aurez pas. Fauve est et restera sauvage. Un animal meurtri et blessé qui n'écoutera que son instinct. Faites avec – ou pas -. Fauve s'en fiche. Fauve est ce qu'elle est. Fière et – un peu – égoïste. Un défaut parmi d'autres. La Créanne en a toute une liste. Son respect se gagne. Sa sympathie se mérite. Et pourtant Fauve aime. Elle aime à en crever même. Elle protège farouchement ceux et celles qu'elle possède. Répondra toujours présente si nécessaire.
L'animal est franc, une oreille attentive aux propos acerbes et à la repartie cinglante. On aime ou on n'aime pas, mais il n'en sera jamais autrement. Fauve n'est pas une fervente partisante de la langue de bois et des faux semblants. La porte est ouverte à ceux à qui cela dérange. Caractère bien trempé, personne quelque peu autoritaire. La jeune femme est dure, faute de censure. Fauve n'aime pas les conflits, mais il suffit que l'animal prend le pas et c'en ai fini. Mélange subtile et malheureux entre un esprit versatile et une attitude impulsive. La Créanne – disons le - est plutôt sanguine. Une pièce tantôt face, tantôt pile. Parfois la flamme s’éteint et elle dépérit. Elle se morfond et peine à mettre un pied devant l'autre. Mais Fauve est une coquille, s'isolera et se gardera bien de le dire. Animal en dents de scie.Butée et impliquée. Ses échecs ne sont à ses yeux que des coups d'essai. Dure envers elle-même et obstinée.
Courte vie. Insignifiante vie. Fauve la Créanne. Celle qui n'a pas demandée à naître. Celle que Nin Hursag veut – certainement - voir aujourd'hui disparaître. Et pourtant. Pourtant Fauve le sert. La Créanne ne se souvient pas de sa naissance, mais uniquement de ce qu'il en résultat : de la souffrance. S'était-elle enfuie. L'avait-on chassée. Qui sait. Mais – depuis deux ans – l'animal est en quête. Créature du désert. Fauve l'Égyptienne. Dés son apparition la Créanne a été livrée à elle-même. Perdue. La cruauté de son Dieu se montrant dés lors sans pareil. Mais qu'importe désormais, ce monde était son nouveau domaine.
Alors Fauve survécut à cette traversé du désert et à ses tempêtes. Elle se mêla aux Hommes, aux Mortels. Elle apprend à leurs côtés ce qu'elle juge nécessaire. Animal libre et fière. Les Nomades la nommèrent Al.Misrî : l'Égyptienne. Fauve grandit auprès des Hommes et constate leurs travers. Sots et faibles. Mais si eux existent. Pourquoi pas elle. Qu'est-ce que l'on attend d'elle. Peut-être que son Maître – lui – le sait. Son Maître … Au Diable ! Elle n'est à ses yeux qu'un déchet.
Fauve veut des réponses et les obtiendra par elle-même. Elle retourne alors à sa vie de Bohème. En solitaire. Ses voyages ne seront ni sans risque, ni sans piège. La Créanne l'ignore encore, mais la chasse est – depuis bien longtemps avant sa naissance - ouverte. Fauve est la proie des Prêtres. De ses combats s'en résultent des marques et des plaies. Mais ses adversaires ont beau faire. Fauve se relève. Elle montre les crocs et tue si cela est nécessaire. La vie Humaine ne lui suscite - petit à petit - que peu d’intérêt. Fauve devient Fauve car c'est ainsi que ses ennemis la surnommèrent. Pour autant, les protégés de Nin Hursag en sortiront toujours indemnes. Cherche-t-elle inconsciemment les bonnes grâce de son Maître ? Qui sait. Elle suppose que cela la mènera un moment ou à un autre à sa perte. Peu importe, qu'ils viennent.
Son caractère se forge dans le sang. L'Humain est bien trop souvent secondé par l'Animal. Indépendante et – à la fois – sauvage. La Créanne n'est plus une proie, c'est elle qui – dorénavant – est en chasse. Elle tue avant d'être tuée. Traque au lieu d'être traquée. Une vie d'errance. La vie d'un Fauve...
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