Jeu 8 Oct - 22:20
Ma journée avait été absolument affreuse. Et c'était clairement peu dire.
Après, dire que j'y étais complètement pour rien, c'était peut-être un peu exagérer. Vous savez, j'ai conscience que je suis parfois un odieux connard, je vous assure ! Par contre j'en connais d'autres, des connards. Comme ces put- pardon, foutues assurances que veulent qu'on les renouvelle tous les ans et qu'on se retape les 10 kilos de paperasse parce qu'ils sont pas foutus de savoir utiliser le transfert de données sur un logiciel ! Et je veux bien croire que Nath' s'occupe d'une grande partie de tout cela, mais au final je suis quand même celui qui doit finaliser et poser ma signature sur près de 300 pages par semaine, parce qu'on a pas qu'une assurance. La différence entre elle et moi ? Elle est payée pour le faire, pas moi. Je devrais négocier ça avec les Dieux, d'ailleurs...
Donc, comme tout fuyard du travail qui se respecte, j'avais décidé très justement de sortir de mon bureau, prétextant un cours, et de me glisser dehors pour fumer. Fumer tue. Mais pas tout le monde. J'avais observé les élèves sortir de cours, accoudé au bâtiment. Il recommençait à faire froid et la plupart d'entre eux avaient chopé la crève, ce qui surchargeait l'infirmerie et rendait les profs méfiants (une fois un élève avait trouvé ça drôle de refiler sa grippe à tout le monde, de façon volontaire et consciente). Je les regardais donc, me disant que c'était des parfaits idiots de sortir en T-shirt, juste pour le style.
Je laissais échapper un nuage de fumée tandis qu'une élève passait en me disant un
"bonjour" étonnement chaleureux. Hm ? Peu courant. Je retins son visage.
Cette expérience me laissa perplexe, un temps. Tous passaient devant moi, sauf elle qui m'avait adressé la parole. Sans même se souvenir que j'étais le plus gros bourreau de bonne humeur sur cette terre. Mais après tout, les élèves sont-ils là pour être heureux ? Non. Mais la plupart passaient, sans me jeter un regard. Pendant un instant, j'eut la désagréable impression d'être devenu un inconnu pour ces murs, pour ces gens. Comme un fantôme qu'on aurait oublié là. Renzo m'aurait sûrement comparé à une princesse sortant enfin de son donjon, mais je n'ai jamais été fan de ses métaphores.
Blasé et un peu agacé, j'écrasais la clope par terre et me dirigeais vers la cantine. Pourquoi ? J'ai pas besoin de me justifier, dites donc ! Mais ça fait bien 3 jours que j'ai rien avalé.
Je pousse la porte, regarde le menu, essayant de ne pas être dégoûté par sa simple évocation et me dirige pour aller chercher un plateau. Allez savoir pourquoi, j'ai le fait de manger en horreur. La nourriture me dégoûte tout bonnement, je ne supporte ni la texture ni le goût. Un jour il faudra que je me penche sur cette question aussi-
Et elle me percuta. Je sentis d'un coup la sauce brûlante frôler ma peau parfaite, du ventre jusqu'aux genoux, agrémenté de son horrible cri de surprise. Je serrais les dents, les yeux figés sur mon costard complètement salopé par cette abrutie et sur la chemise qui se cessait d'imbiber la sauce.
Paniquée, l'autre partie sembla se retourner dans des mots que j'entendais à peine, se retourna, tenta de revenir, exécuta une magnifique chute avant de...
Laissez tomber.
Stop.
Assez.
J'ai définitivement perdu tout espoir en l'humanité. Pire, en la divinité aussi. QUI est le Dieu qui a choisi cette cruchasse, au juste ?! Ça, un Missionnaire ?! Mais qu'est ce qu'ils ont en ce moment, ils choisissent au pif complet ?! C'est pas possible, c'est pas possible... Comment est ce qu'on est censé former une personne comme ça à réagir de façon adéquate face à la mort si son directeur la fait limite se pisser dessus ? Il y a des choses qui m'échappent...
Je prends une grande respiration. Très, très, très grande. D'une main, j'enlève la serviette, essayant de me concentrer sur autre chose que sur la gorge où j'aimerai bien refermer mes doigts. La sauce chaude va finir par me brûler si ça continue.
Je lui sers un magnifique sourire très crispé et hypocrite.
- Ce n'est rien, ce n'est rien...Je regarde les dégâts. Tous comptes fais...
- Non en fait, ça n'est pas rien. Si c'est une habitude d'être aussi adroite qu'un pied de chaise, il va falloir changer ça mademoiselle. Et vous allez devoir me rembourser ça, aussi.Je montre le costard du menton avant de prendre moi même de quoi l'essuyer aléatoirement. Je ferais disparaître tout ça plus tard. Finalement, je commence à comprendre pourquoi je ne sors jamais de mon bureau.
Un petit rire nerveux traverse mes lèvres et je la fixe d'un air inquisiteur et froid comme la glace.
- Comment est ce que vous comptez vous faire pardonner ? Parce que s'il n'en tenait qu'à moi je vous collerais bien deux heures chaque matin pendant le reste de votre scolarité.Et je suis capable de le faire, en fait, je l'ai déjà fait. Mais peut-être me proposera t-elle quelque chose de plus intéressant ? D'accord, je n'y crois pas une seconde, mais elle peut-être. Et je ne suis pas vraiment en bon état pour me montrer "gentil" en ce moment. Déjà que je ne le suis pas particulièrement d'ordinaire, alors avec des carottes sur le pantalon, je vous raconte même pas.