Je grimace en continuant de frapper sa main intacte. C'est ça qui me dérange, ne pas avoir le choix. J'ai horreur de ça. Ma liberté de penser, d'action, est une des choses qui m'et le plus précieuse. Si j'ai tant de mal avec la congrégation c'est parce que les dieux remettent tout ça en question. Je ne crois plus en Dieu depuis que je suis assez grand pour penser par moi-même. J'ai toujours détester l'idée d'une entité supérieure qui serait au dessus de moi, et j'en ai rencontré une.

Je serre les dents doucement, arrête de le frapper et me redresse en le regardant. J'entends ce qu'il me dit, vraiment. Mais j'aime pas ça. Je suis pas suicidaire, mon instinct de survie est même trop développé pour me laisser de la fierté et de l'amour propre et je ne veux pas être un boulet. Je me mordille la lèvre nerveusement avant de soupirer.

— T'as sûrement raison, j'admets. Mais j'aime pas ça quand même.

Je lui adresse un sourire d'excuse en le voyant masser sa paume.

— Ouais, je vais chercher ça. Désolé pour ta main.

Je vais fouiller un peu dans les placards et en ressort des bandages un peu jaunis qui ont déjà visiblement servi. J'enlève ma veste et remonte mes manches avant de les enrouler autour de mes mains. Je fais la moue, la sensation est pas désagréable mais ça restreint pas mal mes doigts en fait. Je ferme les poings en les regardant avant de tendre les mains vers lui pour lui montrer.

Je donne un coup dans un sac suspendu plus loin. Le cuir fait un bruit mat et je grimace. Ca ne fait pas mal, enfin beaucoup moins que si je frappais à main nue. Je redonne quelques coups dans le sac. Tout est toujours trop compliqué. Comment je dois envisager mes missions ? Pour moi les créannes ne sont pas des monstres. Je ne peux pas penser ça après toutes les conversations que j'ai eu avec Nao. Ca ne m'aide pas à envisager de les frapper ou leur tirer dessus.

— Merci de la leçon. Faudra qu'on se programme ça pour les autres fois.

Parfois, Warren agace Dave avec sa retenue, sa peur et son angoisse, son besoin irrationnel de vouloir tout contrôler sans jamais être capable de se mettre en avant pour le faire, de se mettre en danger, de bousculer ses idéaux. Pourquoi personne ne faisait jamais rien pour changer ? Ils attendaient que les choses viennent, passent... Quelque part, Dave comprit que, depuis le départ d'Utu, c'était un peu ce qu'il s'était produit avec lui. Il prit une lourde inspiration en se recevant un nouveau coup de poing. Warren s'éloigne pour aller chercher un sac de frappe. On voit qu'il n'est pas à l'aise avec ça, et en soi, c'est presque plus normal ainsi...

— Nan t'inquiète, c'est bon.

Dave l'observe d'un oeil vague. Il faut qu'il se reprenne, lui aussi. Progresser, changer, reprendre sa vie en mains. Pourquoi il laisserait les autres lui dicter sa conduite, pourquoi il se laisserait abattre de cette manière ? Il soupire un peu et va s'assoir pour regarder faire Warren.

— J'te prendrais pour un psychopathe si tu me disais soudainement que t'aimais l'idée. Mais sois fort. Au moins dans ta tête.

Un mince sourire s'étire sur les lèvres de Dave.

— Et t'inquiète. Ca m'a fait plaiz' de me vider la tête aussi... Parfois, on en a besoin. Même si on le dit pas.

Et clairement, Dave n'est pas du genre à l'évoquer. Le montrer peut-être, mais pas en parler. Il n'aime pas se montrer faible, donner l'impression qu'il peut être brisé. Pourtant, c'est si facile de le casser en deux, en quatre, en mille ; tellement facile de lui faire du mal, de le faire ployer. Il aimerait n'être pas aussi faible... Mais il a encore du chemin à parcourir, pas vrai ? Pour se retrouver, retrouver la foi...

Il lève les yeux vers Warren pour le fixer dans les yeux et lui sourit.

— Je vais pas tarder à rentrer je pense. Il faut que je passe voir ma soeur, j'crois que j'ai des trucs à lui dire. Merci pour la discussion et pour être passé.

L'astre se lève et donne une légère tape dans le dos de Warren.

— On se revoit demain en cours, ok ? Bye.

Un signe, avant que Dave ne quitte la zone d'entraînement. Il appelle sa soeur, les yeux levés vers le soleil fade.

— Eh, salut Alice... T'as un truc de prévu ce soir ? On sort ?

Ne pas rester seul.