La St Valentin c'est la pire tradition occidentale du monde. Déjà parce que même si tu la fête pas l'univers entier a l'air décidé à te la rappeler. Ensuite tu as plusieurs catégories de personnes. Tu as ceux qui s'en foutent, pour tout un tas de raisons diverses qui vont de l'aspect commercial du truc au fait que c'est débile d'avoir une journée spéciale pour les amoureux alors qu'on peut s'aimer toute l'année. Ceux qui sont à fond dedans, soit pour pécho soit parce que ça leur rappelle qu'ils sont célibataires. Enfin bref y en a plein. Puis moi je dois être un genre de catégorie à part. Parce que j'avais besoin de ça pour me donner un peu de courage. De toute façon ça pourra jamais être aussi catastrophique ça, hein ? Fin j'veux dire. Au pire il va comprendre et juste arrêter de me parler parce qu'il voudra pas de ça. Haha… Je dois être masochiste sérieux.

J'ai toqué avec l'envie irrépressible de me barrer avant qu'il ouvre la porte. Mais il était là. C'est dur de résister et puis de toute façon maintenant que j'y suis… J'lui offrirai ma rose à la fin de la soirée si c'est possible. Ca me laisse encore du temps pour réfléchir. En attendant il avait l'air partant pour le concert de jazz que j'ai proposé. Une soirée en ville juste tous les deux ce n'est pas du tout gênant et je ne suis absolument pas nerveux.

Heureusement que je suis bon pour cacher mes états d'âme et que je suis naturellement un peu bruyant. Ca ne se voit pas trop. D'un autre côté il doit pas avoir capté la date aussi. Ou bien il ne sait pas ce qu'elle signifie. Venant de lui ça m'étonnerais pas tant que ça au final. Inanna soit tellement se foutre de ma gueule à me voir galérer comme ça. Prêtre-Roi de la déesse de l'Amour, mes fesses ! C'est pas moi de me sentir aussi stressé pour un rendez-vous. Mais bon c'est Nao. Faut que j'assure.

J'ai tenu la porte du bar pour le laisser entrer, galant comme toujours. Autant passer une bonne soirée et oublier toutes ces bêtises de fête des amoureux. On en est ps là lui et moi.  

Il a l'air tellement enthousiaste, tellement heureux. Je dois avouer que ça me contamine un peu aussi. Et puis il était tellement content quand je lui ai proposé ce concert. Je me suis finalement un peu laissé contaminer par sa bonne humeur et j'ai réussi à me détendre un peu. Je souris en coin, amusé de le voir joyeux comme ça.

Il s'est attaché les cheveux et je dois dire que j'aime bien ça. J'ai essayé de ne pas trop le détailler tout à l'heure quand il m'a ouvert la porte. Pourtant c'est fou ce qu'une chemise change beaucoup de choses. Pour ma part je dois avouer que je n'ai pas fait non plus dans l'originalité. Je porte presque toujours des chemises de toute façon à la base. Je le suis à une table tranquillement. Il a presque l'air excité. C'est un peu inhabituel de sa part mais je trouve ça presque mignon.

- Quand il y a des concert, j'imagine ? Je t'avoue que je viens plus rarement ici. En général je préfère un autre genre de bar.

Du genre avec moins de population féminine et plus de basse. Mais les boîtes sont ennuyeuses parfois. C'est bien pour danser ou pour draguer mais dernièrement je n'avais pas trop la tête à sortir.

- Je pense que ça va être cool oui, je réponds en souriant.

Je demande également une bière au serveur qui vient prendre notre commande. Je ris doucement quand il m'avoue sortir plus au Salon que dans des bars. C'est vrai que ce n'est pas forcément son style. Pour ma part j'aime profiter de mes soirées quand j'en ai envie.

- J'aime bien sortir de temps en temps le soir. Mais c'est toujours plus agréable en bonne compagnie.

Oulà Warren, qu'est-il arrivé à tes hésitations ? Si c'est pour être aussi direct j'aurais aussi bien pu amener ma rose avec moi. Mais je l'ai laissé dans ma chambre. C'est peut-être aussi bien comme ça. Je n'ai pas envie de me creuser la tête avec une histoire de St Valentin alors qu'on peut simplement profiter de la soirée. Même je suis apparemment le seul à penser ça par ici vu le nombre de couples dans le bar. Bah laisse tomber,mieux vaut ne pas s'occuper de ça et apprécier le moment.

Je suis mal à l'aise là, ça se voit ? Enfin... Sa question m'a pris au dépourvu. J'aurais préféré ne pas devoir lui expliquer que je lui ai proposé qu'à lui parce que je voulais qu'on soit tranquilles. C'est un peu bête surement mais bon. Après je me vois mal proposer à Nabouh de nous accompagner, je le trouve un peu jeune. Et pour Dave... Enfin Dave et les créannes c'est pas encore ça on va dire. Je l'aime bien mais je n'ai pas très envie qu'il me fasse la gueule pour ça. Je remercie également le serveur en cherchant comment tourner ça de façon à ce que ça ne sonne pas trop louche.

- Je vois pas vraiment de gens qui auraient accepté avec toi aussi je pense. Enfin, tu vois ?

Je me mordille la lèvre, un peu gêné. Formulé comme ça on dirait presque que j'en ai honte. Mais c'est pas le cas. Je veux juste séparer un peu ? C'est idiot surement. Un jour il faudra bien qu'ils se rencontrent de toute façon. Et puis je parle de Dave mais je pense qu'il est au courant que la Congré accueille aussi certaines créannes. Pas pour autant qu'il est d'accord... Je lève mon verre et trinque aussi avec lui en souriant. Autant ne pas trop penser à ça.

- Santé bébé.

J'aurais bien ajouté un "joyeuse St Valentin". Pour le fun. Mais je reste dan l'idée u'il ne doit pas savoir ce que c'est. Pas envie de lui mettre la pression. Je me la met assez tout seul comme ça. Je bois un peu et repose mon verre avec un soupire de satisfaction.

- Alors heu... Tout se passe bien pour toi ?

Creuse encore un peu mon chéri t'es pas assez profond.

- Enfin je veux dire, pas de problème du côté de la forêt ou rien ? Ca m'avait l'air plus calme ces derniers temps.

C'est sûr que dès qu'il n'y a plus de créanne des enfers c'est tout de suite plus tranquille. Je soupire doucement et enlève mon chapeau pour le poser sur le bord de ma chaise.

- Excuse moi je me sens un peu nerveux. Fais pas attention.

A moi, à ma nervosité et aux signaux de fumée surtout. Je les fais sans vouloir vraiment qu'il les voit. J'ai pas envie de me faire du mal, et à lui non plus. C'est pas qu'une question de camps. Ca j'en ai tellement rien à faire. Non je veux juste pas risquer de le faire souffrir. Même en étant simplement amis. Mais plus ça avance plus on s'enfonce. On s'attache. Et c'est pas moi qui aura mal à la fin. C'est pas moi qui devra, au mieux, regarder un ami mourir de vieillesse sans pouvoir rien faire d'autre qu'attendre. L'immortalité c'est beaucoup trop long et ennuyeux.

Je soupire et me redresse alors que le groupe arrive enfin sur la petite estrade prévue pour eux. Oublie tout ça, amuse toi un peu. Je lui souris et me cale bien sur ma chaise en me penchant un peu en avant. Il a bien choisi les places.

- C'est cool, on a une bonne vue sur la scène d'ici.

Son sourire se fane doucement et je soupire. Bravo Warren, ça c'est de la gaffe. Franchement tu pouvais pas trouver mieux pour le déprimer. Je grimace et me passe une main dans les cheveux. Comment rattraper ça ? Comment lui faire comprendre que- Quoi ? Moi je veux bien de lui ? Tellement vrai. C'est plus que j'aurais voulu lui expliuer que j'aurais aimé ça comme un rencard. Sauf que si je le lui dis il va s'enfuir, donc j'ai trouvé une excuse bidon. Qui l'a déprimé. Boulet.

Je soupire, détourne les yeux et enchaîne la conversation sur autre chose. Je veux pas lui donner cette raison là. Même si ça va le faire rougir et que j'aime bien quand il s'empourpre comme ça.

— Non c'est pas- Franchement ça va, c'est pas ta faute vraiment je suis juste...

Stupide. J'écoute le groupe un moment, les yeux un peu perdu dans le vague. Je le détaille à demi à la dérobé, pas vraiment conscient d'où je regarde. J'aime le son du saxophone, c'est un bruit cuivré un peu lancinant, presque plaintif par moment. La chanteuse a une belle voix, un peu rauque comme si elle fumait trop. Je ferme les yeux un instant, profite de la musique. La voix de Nao me ramène un peu sur terre.

— C'est pas que personne a voulu, c'est que j'ai pas demandé.

Je détourne un peu les yeux en réprimant un rosissement que je sens monter dans mes joues. J'ai pas de raison d'être nerveux hein ? Je fais la moue. Changeons de sujet avant que ça devienne génant.

— Ils jouent bien, c'est vrai qu'il n'y a pas besoin d'être près pour avoir un bon son.

Je pose ma joue sur ma main, accoudé à la table, et parcours la salle du regard. Le serveur est reparti plus loin et je le détaille furtivement. Il est super mignon en fait, j'avais pas fait gaffe quand il est venu tout à l'heure. Je me redresse et reprend une gorgée de bière avant de me reconcentrer sur Nao. Couché le chien, à la niche tes hormones bon sang. Je suis avec Nao c'est pas le moment d'avoir envie de draguer. La musique change un peu, devient plus rythmée. Du manouche ? Je fais un grand sourire, danse un peu sur ma chaise en battant la mesure des bout des doigts sur la table. Je jette un oeil devant la scène, regarde les quelques personnes qui commencent à danser un peu. Je fais que regarder rhooo.

— Tu voudras… Aller danser après ?

Il me met un coup de pied discret sous la table et je roule des yeux. Avec mes amis ? Il veut dire en général ou bien il parle de lui ? C'est vrai qu'avec lui j'ai tendance à être plus… Précautionneux ? Depuis cette fois à l'internat quand il m'a un peu rembarré j'essaye d'être un peu moins lourd. Je crois que c'est surtout parce que je n'ai pas envie de le braquer.

Nao est une chouette. Aussi bien il peut rester à Stockholm plusieurs années mais d'un autre côté peut-être qu'un jour il partira sans prévenir. Comme quand il a mis plusieurs semaines à revenir après ce qu'il s'est passé avec les créannes des Enfers. Ca me rend un peu triste quand j'y pense parfois. J'aimerais être quelque chose capable de le retenir mais je ne pense pas que ce sera le cas un jour. Je m'estime pas si important à ses yeux.

— Hein ? Non je-

Je rougis un peu, gêné de m'être fait surprendre. C'est tellement impoli. Je l'ai pas emmené ici pour qu'il me regarde draguer.

— Moi ça me gêne pas, même si tu sais pas danser. Enfin on s'en fiche. Mais si t'as pas envie c'est pas grave. C'était seulement une proposition.

Bon sang ça ne me ressemble tellement pas d'être nerveux comme ça. Je suis partagé entre mon envie de le taquiner plus franchement, quitte à me prendre un râteau ce ne serait pas la première fois, et celle de laisser tomber carrément. Je n'arrive pas à me décider, à cesser d'hésiter sur ce que je veux. L'éternel combat entre le coeur et la raison. Je me sens tellement bête dans des moments comme ça.

Je soupire un peu quand la musique passe à un autre morceau, un peu plus lent, bien pour danser tranquillement. J'ai compris le message ça va. Je me lève et lui prend la main pour l’entraîner avec moi devant la scène. Au diable mes hésitations, on peut bien profiter simplement d'une soirée.

— C'est dommage que je te laisse pas le choix bébé. T'en fais pas tu as qu'à suivre mes pas. Si tu me marche sur les pieds je t'en voudrais pas.

Je lui fais un clin d’œil et tiens ses mains pour nous faire avancer en rythme. Ce n'est pas si mal.

Je roule des yeux gentiment. Personne n'est jamais totalement une catastrophe en danse, il a juste à se laisser guider. C'est pas comme si c'était une valse après tout. Juste un espèce de slow ou de blues ? J'aime bien. Je me laisse porter par le rythme de la musique pour le guider. Il a l'air tellement paniqué que je l'emmène sur la piste. Je ne retiens pas un petit rire très amusé. Il regarde ses pieds comme pour ne pas faire d'erreur et je souris en coin, c'est assez adorable.

Tellement pas sûr de lui. Je lui rend son regard avec un sourire pour le rassurer. Il ne m'a pas encore marché dessus alors tout va bien. C'est confortable comme ça, un peu intime. Même si c'est pas forcément le bal du prince moi j'aime rester comme ça, un peu contre lui.

— Tu t'angoisses trop bébé, tu t'en sors bien.

Je ris doucement quand il s'excuse d'avoir manqué écraser mes pieds. Sa question m'a aussi un peu pris au dépourvu. Je crois que ça va mieux, oui ?

— C'est rien. Mes pieds ont survécu à de bien pires partenaires.

Quand j'ai appris à danser dans les cours que ma mère me faisait prendre… C'est tellement loin. Mais je ne le regrette pas. J'aime danser. Seul ou à deux, en boîte ou en salon, c'est un moyen de se libérer, de partager.

— Quand j'ai appris à danser la valse j'ai dû m'entraîner avec des filles. Et c'était pas toute des petites souris si tu vois ce que je veux dire.

Je rigole doucement. Je glisse mes mains sur sa taille puis les siennes sur mes épaules. C'est un peu plus confortable comme ça. Et puis j'ai envie de voir quelle teinte de rouge ça va lui faire prendre.

— Je crois que ça va un peu mieux. Je m'entraîne un peu plus, j'essaye de maîtriser mes pouvoirs. Ca me fait encore peur mais j'ai plus envie de me retrouver paralysé sans défense face à un ennemi trop puissant pour moi.

La chanson se termine et je le relâche, hésite à continuer de danser avec lui. Est-ce une bonne idée, après tout ?

— Une autre danse ?

Il ne danse pas si mal qu'il semble le croire. Et puis comme ça c'est bien plus confortable. Un peu proches, son visage juste en face du mien. Je n'avais pas remarqué qu'on faisait la même taille tous les deux. Il rougit encore quand il semble réaliser qu'on est un peu proches comme ça. Je laisse échapper un petit rire. C'est mignon de le voir rougir comme ça. J'ai très envie de remonter un peu mes mains, ou de les descendre. Ce serait carrément pas galant donc je me retiens mais j'aimerais beaucoup être un peu plus proche émotionnellement. Une autre fois peut-être.

La chanson se finit et il accepte de repartir pour une autre. J'esquisse un sourire ravi quand il me prend par la taille pour échanger les prises. J'enroule mes bras autour de son cou avec un sourire en coin.

— Oh tu veux que je te fasse une démonstration bébé ?

Le surnom a ressurgit tout seul et je me mordille la lèvre, un peu gêné. Je pourrais jouer avec ça pour l'embêter. Il m'en voudra pas si c'est lui qui a demandé après tout. Je souris en coin, penche ma tête vers lui pour chuchoter.

— Je n'ai jamais été attiré par des femmes non. Pour moi ça a toujours été une évidence. Tu vois quand j'avais quinze ans mes camarades de classe commentaient la poitrine de ma prof d'anglais, moi je matais mon prof de sport. Pas trop les mêmes courbes.

Je rigole un peu, souffle doucement et me concentre un peu pour donner du pouvoir à ma voix sans cesser de danser.

— Je pourrais te faire faire des choses très embarrassantes, je chuchote toujours à son oreille. Alors dis moi bébé, tu aimes ce surnom ?

J'esquisse un sourire mutin, laisse mon souffle effleurer son oreille. Plus je le déconcentre plus mon pouvoir aura d'effet. C'est quelque chose que j'ai facilement compris. On résiste bien plus difficilement à une emprise mentale si on est pas concentré là dessus entièrement. Ma main caresse légèrement sa nuque. Ce n'est pas qu'un jeu je crois. Pas avec lui.

Oh le voilà qui recule devant son idée, j'esquisse un sourire très amusé. C'est très drôle de le voir cafouiller comme ça parce que je me fais un peu entreprenant. C'est pas grand chose pourtant mais il a l'air assez réceptif. Je le sens qui se tend quand je pose ma question avant de répondre en rougissant violemment.

Je rigole en le laissant se reculer en râlant. Sa moue boudeuse avec ses joues rouges est juste adorable. J'ai bien envie de continuer à le taquiner. Je pensais pas que ça marcherait aussi bien à vrai dire. Mon pouvoir est parfois un peu aléatoire mais je comprends d'un coup beaucoup mieux pourquoi on l'appelle comme ça. Peut-être que si je pouvais faire les yeux doux aux créannes pour obtenir des infos ça marcherait mieux. C'est vrai que le contexte s'y prête rarement en mission et c'est pas avec Dave que ça marcherait.

— Infantilisant, hein… C'était la première fois que je l'utilisais sur toi, ne t'en fait pas. En fait je n'ai pas besoin de te draguer pour que ça marche tu sais normalement. Mais on dirait que ça fonctionne beaucoup mieux si je le fais.

Mon sourire reste accroché à mes lèvres et je me rapproche un peu pour continuer de le faire danser. Ma voix se refait Charmeuse.

— Ca te déplaît ? Que je te drague comme ça ?

Oh mon dieu… Je n'aurais pas du poser cette question. Je ne suis pas sûr de vouloir connaître la réponse. Enfin… Fondamentalement il a pas l'air de me trouver dégoûtant et il est même plutôt réceptif mais je ne veux pas qu'il pense que je le drague juste pour m'amuser. Je n'aime pas y penser d'ailleurs. Pour moi ce n'est pas vraiment de la drague, si c'était le cas je serais bien plus direct, je n'ai pas ce genre de scrupule en général. Non, là je lui fais la cour. C'est très différent. Certes c'est aussi une manière de le taquiner mais je suis sérieux dans mes sentiments.

Il a l'air de bouder un peu c'est amusant. Je devrais pas trop pousser peut-être, ça va me retomber dessus sinon. Je peux comprendre que c'est désagréable de se faire dire la vérité sans avoir le choix mais en même temps… Fin faut avouer que c'est drôle et moi ça me rassure un peu d'entendre les réponses.

Une nouvelle question et il fuit mon regard en secouant la tête. Il ne veut pas répondre alors. Il est tellement gêné j'aurais peut-être dû m'abstenir de demander. Il râle, rit un peu et fait encore une moue que je trouve très mignonne. Je sens sa main qui effleure mon dos.

Je souris doucement, ravi. Bon je ne vais pas abuser non plus mais si il aime ça… Moi aussi je suis bien avec lui, danser, parler, boire un verre, j'aime juste être avec lui et le taquiner, me rapprocher de lui petit à petit. La proximité soudaine me surprend et je rougis un peu en sentant ses lèvres sur ma joue. Oh, lui aussi il aime jouer alors. Avouer quoi ? Que je le drague ? C'est vrai que je n'ai pas forcément été très clair dès le départ mais ouais, je le drague. Et j'aime ça autant que lui apparemment.

— Je ne cache pas que tu me plais bébé, mais si je te draguais vraiment je serais beaucoup moins subtil que ça.

Voir même carrément lourd en fait. Pour moi draguer c'est physique, si je le fais c'est voyant et peut-être même un peu ridicule. Lui je n'aime pas que son corps en quelque sorte. C'est très rare que j'ai envie de vraiment sortir avec quelqu'un au lieu de juste une aventure au final. Je n'ai pas l'habitude de ça et c'est maladroit au final.

J'acquiesce quand il propose de reprendre un verre et le suis vers la table où nous étions installés. Je reprends mon verre pour le terminer et regarde un peu autour de nous. La plupart des gens sont en train de danser ou bien un peu à l'écart de la scène pour pouvoir parler sans être dérangés par la musique. Le serveur de tout à l'heure circule entre les tables. J'attends de capter son regard et lui fait un grand sourire avant de lui indiquer nos verres en faisant un chiffre deux avec ma main.

— Je suis peut-être trop enthousiaste, je ne voulais pas t'embarrasser, je reprends en m'asseyant.

Il n'a pas trop l'air de comprendre ce que je sous-entendais. Il est embarrassé mais curieux d'une vraie réponse. Je crois que j'aurais peur d'en donner une. Je n'aime pas me sentir comme ça, sous le charme, parce que je le suis. Peut-être que je suis amoureux je ne sais pas. Je n'ai pas envie d'y penser. La proximité avec son corps, la façon dont il me demande ce que je fais avant de s'enfuir vers la table. Lui aussi n'a pas vraiment envie de répondre à cette question qu'on a pas posé. Pourtant elle est là, comme une point d'interrogation suspendu entre nous auquel on ne veux pas répondre ni songer.

Le serveur vient vers nous avec deux verres pleins et je lui lance un sourire en coin, presque par réflexe. Vraiment canon. Je me force à détourner le regard. C'est gênant parce que je me connais et je sais qu'il me tente. Mais il y a Nao et en plus d'être impoli je suis venu ici pour lui et avec lui. Ca ne se fait vraiment pas. J'ai une vague envie de me mettre des claques pour me concentrer, ça ne me ressemble pas d'être aussi attiré par quelqu'un alors que je suis avec un autre.

— Si ça te gêne j'arrête. Je sais que je suis parfois un peu lourd.

Je me mordille la lèvre, il dit que ce n'est pas gênant mais j'en doute un peu. J'ai quand même une impression étrange. Sa question me prend au dépourvu et je rougis un peu quand un "oui" franc retentit dans mes pensées. Je me passe la main sur le visage pour cacher mes joues.

— C'est bien possible.

J'acquiesce quand il s'esquive et me redresse sur ma chaise en le regardant partir. Je laisse mon regard errer sur la salle en attendant, retombe sur le serveur et lui renvoie un sourire en coin. Il est loin d'être farouche, intéressé surement. Je trouve ça flatteur. Dans d'autres circonstance j'aurais été bien plus loin avec lui. Là ça me va de juste lui lancer des regards. Même si je n'en saurais bien j'aimerais rendre Nao jaloux peut-être.

Finalement le serveur s'approche et vient s’asseoir en face de moi sur la chaise de Nao. Je suis un peu surpris mais pas désagréablement. Il a un sourire charmant, et charmeur, que je lui rend avec plaisir. Enfin, avant de me figer et de perdre trois teintes de couleur au moins. Non. Non pas ça. Pas maintenant, pas elle. Je me sens comme une biche prise entre les phares d'une voiture. Incapable de bouger, de réagir. Que pourrais-je dire d'ailleurs ?

Même pas le temps de reculer, de tenter de la repousser quand elle s'avance vers moi. Pourquoi fait-elle ça ? Je suis juste mortifié de m'être fait avoir de cette façon. Ses lèvres sur les miennes sans que je puisse songer à m'esquiver. A l'instant je la hais parce que je sais très bien ce qu'elle a fait. Elle disparaît vers les vestiaires du personnel. Je n'ose même pas me retourner.

Nao revient s'asseoir sur sa chaise un peu brusquement. Je frémis, veut m'expliquer. Pourquoi je devrais me justifier ? Elle a dit qu'il ne voulait pas de moi. Le regard qu'il me lance me fait bien trop mal, entre déception et lassitude. Je pose ma paume sur ma bouche, livide. Je ne me sens pas très bien. Il se lève et retourne vers la piste de danse. Est-ce qu'il me croira ? Et comment je peux expliquer ça ? Je le suis, le rejoins et attrape doucement son bras.

— Nao… Attend s'il te plait, je- C'est pas ce que tu penses.

Cette phrase est tellement clichée. Je suis mort de honte. Ca ne devait pas se passer comme ça. Foutue déesse.

— Je suis pas comme ça, je me serais pas amusé à draguer alors qu'on passait la soirée ensemble. Crois moi. C'était pas-

Je me passe une main dans les cheveux, mal à l'aise. Mon chapeau est resté sur la table. Je me sens exposé.

— C'était Inanna, j'admets avec une grimace. Elle voulait me faire une mauvaise blague. Pardon si je t'ai blessé.

Je suis ridicule. Tais toi Warren ça vaudra mieux pour tout le monde. J'ai aucune preuve que Nao éprouve quelque chose pour moi et je suis en train de me justifier comme devant un amant que j'aurais trompé. Je la déteste.

Son attitude me tire un sourire faible. Il est blessé, vexé, et il ne veut même pas le dire. J'ai envie de me mettre des baffes pour être tombé dans le panneau. Bon sang c'est rageant de m'être fait bananer par Mme la casse pied de service. Je la déteste tellement.

J'ai la gorge serrée. Non je ne veux pas laisser tomber Nao. Je tiens à lui énormément et qu'il pense que je- C'est juste rageant. Il ne me regarde même pas dans les yeux. Tu n'es qu'un menteur bébé, je vois bien que ça te blesse. Je sais que ce n'est pas crédible, que j'ai tout d'un enfoiré avec les mauvaises raisons mais qu'est-ce que je peux lui dire ? Que c'est la déesse de l'Amour et que c'est pour ça qu'on a échangé des regards ? C'est pitoyable. Moi qui pensait que ce genre de chose ne pouvait pas avoir d'effet sur moi… J'aurais dû le savoir, mon pouvoir marche comme ça puisque c'est le même.

— Tu ne me fais pas confiance, je souffle tout bas.

Je me mords la lèvre inférieur, baisse les yeux. Je me hais d'être comme ça. C'est pas la première fois que ça arrive. J'essaye de sourire un peu, me passe la main sur la nuque. J'avais raison, ça ne peut pas marcher.

— Je suis désolé. Je voulais pas- Je ne te considère pas comme un chandelier.

J'ai envie de rentrer, de lui faire un câlin et de lui dire que je lui ferais pas ça parce que je suis en train de tomber amoureux. Mais il ne veut pas de ça. Même si c'est pas mon premier rateau ça fait mal. J'ai cette boule dans la gorge qui me fait mal et j'ai juste envie de m'enfuir. Mais j'ai cette rose dans ma chambre que je veux lui donner. Et je réalise que mes excuses me font juste sonner comme si je n'avais effectivement aucune considération pour sa présence alors que c'est tellement faux.

— T'es important pour moi Nao. Ce n'est pas un jeu. Qu-Quand je dis que tu me plais je le pense. C'est pas juste des paroles en l'air.

Je détourne le regard, honteux d'avoir bégayé et de me sentir aussi nul. Je suis certain que j'ai rougi.