Dim 29 Nov - 22:19
Warren reparle de la prison russe et cette fois, je ne peux pas m’empêcher d’esquisser un demi sourire. S’échapper de la prison ? C’est tout de même assez amusant à imaginer. Enfin, je crois. Je ne devrais pas penser à ça de cette manière, ça ne devait pas être une très bonne expérience à vivre… Nous continuons à parler un peu, trouvons un banc pour nous y installer. C’est agréable de discuter avec lui, j’ai l’impression de pouvoir me libérer de tellement de choses… Sans avoir peur d’être jugé. D’être vu uniquement comme un ennemi, ou une créature diabolique. Même si le terme “diabolique” pourrait difficilement être employé ici…
Doucement, j’incline la tête sur le côté lorsqu’il me dit n’aime pas trop tout ce qui a trait au spirituel, et tout ça. Alors j’esquisse ce qu’il semble être un sourire, malgré moi, et tente de mettre en place les mots que je vais prononcer un peu plus tard dans ma tête, pour ne pas les mélanger. J’attends qu’il ait terminé, tout simplement, lui demande s’il est sûr d’aller bien. J’essaie de me détendre un peu, sur le banc, et m’appuie contre le dossier après un petit temps.
“Vide”... Il trouve qu’il a changé ? Certainement un peu, oui, mais c’est le cas pour tout le monde ; la vie nous place face à des événements qui nous forcent à nous arrêter, ou à évoluer. Changer, c’est une preuve que l’on va bien, non ? Pourtant, j’acquiesce doucement, tourne la tête vers lui pour l’observer, et sourire.
– Ne sois pas malheureux pour ça… je souffle.
J’essaie de garder ces mots en place dans ma tête, suffisamment longtemps pour qu’ils ressortent de la bonne manière à l’oral. Je n’ai pas l’habitude de rassurer les gens, et ma maladresse est souvent un fléau dans ces moments-là. Enfin, si les gens trouvent ça “mignon”, je trouve surtout ça pathétique. Mais ça n’engage que moi.
– Tu sais, je trouve que changer, c’est une bonne chose. Ce n’est pas un mal. Tu es là, tu es différent, mais tu es aussi toujours toi-même.
Je prends mon temps, marque une pause appuyée, un peu embarrassé de dire les choses de cette manière-là.
– Le monde aussi a changé, il est devenu plus grand, et il est peut-être devenu plus laid encore. Moi non plus, parfois, je n’aime pas le regarder. Puis j’étends mes ailes, je m’envole et… tout me semble tellement plus beau.
Mon regard se pose à nouveau devant nous, vers l’étang, et je suis stupéfait et émerveillé par la quiétude des lieux.
– Ce doit être difficile de voir le bon côté des choses lorsqu’on est forcés dans une telle voie, mais je suis persuadé que tu y trouveras aussi ton compte. Ce monde, c’est aussi un cadeau ; on t’offre de pouvoir le protéger, de pouvoir le servir… Je trouve ça beau, comme quête. Ce n’est pas simplement chercher à rester en vie, c’est quelque chose de plus fort et de plus haut.
Mes doigts se rejoignent pour se triturer sans que je n’y fasse réellement attention.
– Tout à l’heure, tu disais que tu n’entendais pas grand-chose au spirituel, et je pense que tu as raison. Mais en même temps, tu as tort de le penser de cette manière. Le mystique et le spirituel sont deux choses différentes. Le mystique, c’est Dieu, ou des dieux. Ce sont des rituels, des légendes, ces religions qu’on vous inculque. Le spirituel, c’est à la fois relatif… à ton âme, et à tous ces événements étranges. Mais surtout à ce que tu ressens, à ce que tu vis, à ce que tu perçois. Il faut s’y laisser porter, se laisser guider ; le spirituel, c’est ton choix, ta vision du monde. Il faut simplement accepter que le monde est plus grand qu’il n’y paraît ; qu’il est plus beau, plus laid, qu’il est plus extraordinaire que ce que nous croyions auparavant.
Encore une fois, je laisse passer un temps, pour qu’il assimile ce que je lui dis. Ma voix n’est qu’un souffle, tant j’ai peur de briser le silence qui nous entoure.
– Ce n’est pas parce que je sais que des dieux existent que je me laisserais embobiner par la moindre de leurs paroles. Pourtant, je suis quelqu’un de fataliste. Je sais où est ma place, mais cela ne veut pas dire que je l’accepte comme elle est. J’aimerais pouvoir changer les choses, changer la donne, prouver que nous valons nous aussi quelque chose. Que nous ne sommes pas seulement des êtres que les humains ne devraient pas pouvoir percevoir. Tant que tu sais ce en quoi toi tu as envie de croire, tu n’as pas de raison d’être dégoûté. On croit tous en quelque chose. Mais ces choses sont multiples, infiniment nombreuses. Ce n’est pas forcément des dieux, qu’ils existent ou pas.
Doucement, je relève les yeux vers Warren.
– Moi, je crois en la vie, et je crois en la bonté des gens, même si on m’a souvent prouvé le contraire. Et toi, en quoi est-ce que tu crois ?